Page:Daudet - Un nouveau et puissant romancier Marcel Proust, paru dans L'Action française, 12-12-1919.djvu/6

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sation d’un vieux, solennel et prétentieux diplomate, qui est venu dîner chez ses parents, avec une verve étourdissante et dont on demeure ébloui. Imaginez une fresque qui serait composée de miniatures, de sorte que de loin vous admirez l’ensemble et que, de près, vous vous enchantez du détail. Les minutieuses descriptions que fait Proust d’un intérieur, d’un ajustement ou d’un visage, correspondant, par la suite, à des traits moraux et à des caractéristiques intellectuelles d’une logique surprenante. Sa tapisserie a d’abord l’air vue à l’envers, avec ses fils qui pendent et sa grisaille. Il la retourne brusquement, et l’on voit alors toutes ses lignes, ses perspectives, son rouge ardent, son jaune cru, son violet profond. Cela est d’un maître.

Aussi, ce serait une erreur de croire que le romancier des Jeunes Filles en fleurs est simplement un promeneur des méandres de la pensée, de la sensualité et du sentiment. C’est encore, c’est surtout un visionnaire de l’au delà de ces méandres, de la source mystérieuse et haute d’où découlent ces couleurs, ces sons, ces atmosphères si délicatement rendus, ces mots si justes et si pénétrants. Derrière toute l’activité laborieuse d’un bel écrivain, tel que