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— Vous avez donc des écoles, ici ? demandai-je.

— Bien sûr. Il y a ici des hommes et des femmes. Ils forment des couples. Des enfants naissent. Il faut les mettre à l’abri de la contamination à laquelle leur hérédité les expose trop souvent. Aujourd’hui la plupart des enfants sont, dès leurs premiers jours, aspergés d’eau bénite et cette simple précaution suffit parfois à les immuniser. Mais nous n’en restons pas là. Nous avons complètement refait les vieux systèmes pédagogiques. Quatre équipes d’instructeurs s’occupent respectivement de l’éducation physique, de l’éducation artistique, de l’éducation scientifique et de l’éducation religieuse. Les premiers ont rendu au corps sa place et ses droits. Un quart de la journée de l’enfant est en effet consacré à l’étude des traités de gymnastique, des manuels de tous les sports et des Mémoires des grands champions, rédigés en vers mnémoniques et accompagnés de nombreuses illustrations. Ainsi l’enfant le plus malingre, au bout de deux ans, sans fatigue et sans perte de temps, sait tout ce qui est à savoir sur la culture physique.

« Nous avons fait les mêmes réformes dans les autres branches. Grâce au cinéma, au phonographe, aux musées et surtout au livre illustré, nos écoliers ont vite fait de tout savoir sur l’art sans avoir à créer, de tout savoir sur la science sans avoir à penser, de tout savoir sur la religion sans avoir à vivre. Mais n’aurions-nous