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Page:Daumal - La Grande beuverie, 1939.djvu/43

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Dans mon demi-sommeil qui suivit, à travers les toiles d’araignées rouges d’un cauchemar, je vis une salle vide et propre, brillamment éclairée, qui était contiguë à la nôtre et que je n’avais pas remarquée auparavant. Par une large porte ouverte j’aperçus Totochabo, déguisé en autruche comme un chasseur boschiman, qui s’était réservé cette pièce — quelque chose comme la salle d’armes, sans armes, d’un château féodal — pour y recevoir des visiteurs de marque.

Trois hommes étaient avec lui, marchant et conversant. Je reconnus François Rabelais du premier coup d’œil, bien qu’il se fût déguisé d’un habit de nonne, avec une cornette ample et planante, semblable à la mante marine, cette raie sinistre, sauf que la couleur sombre en était produite sur l’amidon par l’innombrable moucheture d’inscriptions hébraïques. Au lieu du trousseau de clés et du rosaire pendait, dans les plis bleus de la toile, un très vulgaire coupe-choux. Le second personnage, au ventre ovale et mince de long poisson, ceint du blanc costume de l’escrimeur, l’œil de guêpe, la moustache de miel héroïque aux pointes peintes en vert, le fleuret démoucheté, c’était Alfred Jarry. Je l’entendis expliquer que « si les bas de ses pantalons n’étaient pas agrafés de pattes de langouste, c’est qu’il portait culottes et bas blancs » et c’est d’ailleurs tout ce que j’ai pu saisir des propos des quatre hommes. Le troisième était