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Page:Daumal - La Grande beuverie, 1939.djvu/69

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— Passons sur les types intermédiaires, continua-t-il en me faisant entrer dans une grande maison rococo, et allons tout de suite à l’autre extrême. Entrez dans cette salle de jeu et regardez. Nous ne risquons rien, on ne nous remarquera pas, ou bien on nous prendra pour des garçons de bureau.

Autour d’une table de roulette une centaine d’hommes de toutes races, chacun portant son pavillon national planté dans le crâne, jouaient gros jeux. Le croupier était une sorte de dieu Janus à tête de mappemonde ayant en guise de visages les deux hémisphères, arrangés un peu autrement que dans nos écoles. Sur l’un, en effet, étaient groupées toutes les métropoles, sur l’autre toutes les colonies.

On jouait à qui perd gagne. La roulette me parut truquée, mais un spécialiste m’a expliqué plus tard « qu’il n’en était rien, que seulement il n’était fixé aucun maximum de mise et que les capitaux, étant négatifs, étaient illimités, ce qui rendait valables les martingales les plus abruptes ». Je vous donne l’explication pour ce qu’elle vaut. Toujours est-il que les joueurs posaient sur le tapis des poignées de soldats de plomb, des tanks en miniature, des canons-bijoux, des Bibles expurgées, des linotypes, des maquettes d’écoles modernes, des phonographes, des bouillons de culture de tous les bacilles dont ils étaient infectés, des missionnaires en carton-pâte, des