Page:Daveluy - L'incroyable histoire de Damien-sans-peur, paru dans l'Oiseau bleu, jan-fév 1924.djvu/24

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che et compacte. Lorsqu’elle se dissipe, Damien aperçoit un ange noir, un esprit des ténèbres, dont toute la personne, transparente comme un diamant noir, ondule et frémit dans de longs voiles. Des yeux immenses, sombres, veloutés se fixent, se rivent sur les siens. Ses yeux l’attirent. Magnétiques et dominateurs, ils le fascinent. Damien s’approche…, près, plus près encore. Son regard ne quitte pas un instant les yeux profonds comme un lac, et qui reflètent la nuit dans leurs ondes troublantes. La main de l’ange noir se lève. Elle se tend en un geste impérieux vers le livre de feu.

Hélas ! Damien, que le plaisir a mortellement atteint dans son corps et dans son âme, n’a plus de forces. Aucune résistance n’est possible. Il se traîne péniblement jusqu’à la longue table noire. Il va signer…

Un frémissement étrange l’agite… Qu’a-t-il ?… Mais qu’a-t-il donc ?… Ah ! petits, la main de Damien, cette main qui devait signer le pacte éternel et maudit s’immobilise, se paralyse au fond de sa poche. Il venait inconsciemment de l’y enfoncer. Elle se fait pesante comme du plomb. Malgré les plus violents efforts, Damien ne peut pas même la retourner sur elle-même.

Et soudain, le pauvre garçon comprend. Son cœur se fond. Ses yeux se voilent. Sans peine, maintenant, il détache son regard, du regard de l’ange des ténèbres. Il pousse un cri de délivrance et de remords. « La Madone, la Madone, pleure-t-il. Elle vient à mon aide. »

À quel terrible sursaut de colère est en proie l’ange noir ! Ses longs voiles montent et descendent en de lourdes vagues. Elles menacent, gémissent, hurlent, sifflent ces vagues puissantes. On dirait qu’elles veulent envelopper, puis noyer dans leur course furieuse le pauvre Damien. Il chancelle. Ah !… la figure du gamin se tire affreusement… Il s’affaisse… Il disparaît… Le tourbillon des voiles en tempête l’emporte. Mais en tombant, une plainte déchirante, deux mots sont venus mourir sur ses lèvres : « Pitié ! Marie ! »