Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/216

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dut s’enfuir de la cour, te portant dans ses bras. Tu connaîtras plus tard, les raisons de son pénible départ. Le duc erra plusieurs jours dans la forêt, sans abri, presque sans nourriture, l’âme ulcérée. Le hasard de sa marche le conduisit enfin fort malade, jusqu’à la porte de notre cabane. Je le secourus. Je le soignai de mon mieux. Il était si affable, Jean, si bon. Il ne demandait rien, parlait peu, se plaignait moins encore. Mais tous mes égards, tous mes soins furent inutiles. La mort venait rapide, sans merci. Quelques heures avant d’expirer, le duc sembla reprendre quelques forces. Il nous fit appeler mon mari et moi. J’accourus avec toi dans mes bras. Comme nous nous réjouissions de ce mieux inespéré, le duc hocha la tête, disant : « Je n’ai plus aucun espoir… C’en est fini de moi. D’ailleurs, n’était mon fils,… je partirais sans regret… C’est à son sujet que je vous ai priés de venir. Âmes charitables, voulez-vous adopter mon enfant… le chérir, si possible… l’élever, comme l’un des vôtres ?… Une vie ignorée, mais heureuse est mille fois préférable à une vie brillante entourée d’épreuves, de luttes… J’ai conscience d’assurer son bonheur… Et puis, je vous ai observés… Vous avez des cœurs droits,… vos manières ne sont pas celles de bûcherons ordinaires… »

Mon mari répliqua : « Pourquoi vous le cacher, en effet, monsieur le duc ? J’ai occupé, il n’y a pas longtemps, une situation de garde-forestier, situation que j’ai perdue par la faute des circonstances, beaucoup plus que par la mienne. Je me suis réfugié avec ma famille au fond de la forêt. Depuis ce temps, j’y vis, paisible, respecté, quoique pauvre. Ma femme, de son côté, n’est pas sans instruction. Avant notre mariage, elle était institutrice.