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Les aventures de Perrine et de Charlot

quelques semaines à Charlot. Elle était morte à son tour. On avait tenu, alors, à garder le petit Français par rancune et par malice. On lui reprochait de n’avoir pu sécher les larmes de sa mère adoptive et conjuré le mauvais sort qui avait eu raison de son existence. Durant des mois il avait été épié, gardé à vue, souvent battu lorsqu’il refusait de voler, ou d’être cruel aux prisonniers que l’on faisait de temps à autre. Mais comme aux heures de dureté, alors que ses épaules amaigries saignaient sous les coups, aucune plainte n’était sortie de ses lèvres ; comme même alors, avec un sourire triste, il avait accepté d’assez rudes besognes pour son âge, on avait fini par le laisser en paix, par cesser de le nommer à tout propos : « petit chien de Français ! » À la suite d’une maladie dont il avait failli mourir, Charlot s’était mis soudain à se développer, à grandir, la vie au grand air se montrant le remède souverain pour sa constitution délicate ! À sept ans et demi, d’ailleurs, à quelle existence l’organisme ne s’adapte-t-il point, après les quelques luttes inévitables, heureusement surmontées.

La riche nature morale de l’enfant ne souffre pas, non plus, du contact des sauvages vicieux. Trop fortement, déjà, son âme s’est pénétrée des leçons de l’abbé de Saint-Sauveur, et des exemples reçus au foyer de Jean Bourdon. Il y a, en outre, une noblesse innée dans le cœur de Charlot comme dans celui de Perrine. Chaque soir, alors que le sommeil gagne ceux qui l’entourent et les empêche de s’y opposer, l’enfant se met à genoux et fait sa prière. Il promet à Jésus et à sa maman qui loge par delà les étoiles, au paradis, où il n’y a pas d’Iroquois qui séparent les petits enfants qui s’aiment, il promet d’être bon, courageux comme un Français, de ne pas mentir,