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Page:Daviault - Histoires, légendes, destins, 1945.djvu/109

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chez la belle. « Que faire ? » murmure Robertson. Étouffant à grand peine une formidable envie de rire, Juliette-Modjeska répond : « Saute ! » Et Roméo saute d’une hauteur de douze pieds.

Sir Henry Irving arrive en retard à une répétition de sa troupe et aperçoit un jeune acteur qui fait rire ses camarades par des imitations du patron. « Excellent ! s’écrie Irving. C’est même si bien qu’il n’y a pas place pour nous deux dans la même troupe ! »

— C’est au même Irving qu’un journaliste un peu naïf demandait : « Vous sentez-vous toujours bien dans la situation décrite par l’auteur ? », — « Mon vieux, répond l’acteur, certaines scènes de Dante (pièce que jouait souvent Irving) se passent en enfer. Je n’y suis pas du tout. »

— L’ambassadeur de Chine près de la cour de Saint-James, Wu, mit bien du temps à s’assimiler les conventions dites réalistes du théâtre occidental. Il gardait à l’esprit le souvenir de la franchise qui, dans la millénaire civilisation chinoise, préside aux divertissements. (En Chine, chacun sait ça, les machinistes manipulent les décors au vu et au su de tout l’auditoire ; un acteur attend sa scène, non pas en coulisse, mais assis paisiblement au fond du plateau ; le public prend part au spectacle et l’on ne cherche pas à créer l’illusion scénique comme chez nous.) Eh bien, certain soir, enthousiasmé par le jeu d’Irving, l’ambassadeur Wu se précipite en scène, au beau milieu d’un acte, afin de serrer chaleureusement la main de l’acteur.

4 mars 1939.