Page:Daviault - Histoires, légendes, destins, 1945.djvu/115

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lons, à ce propos, ce journaliste canadien qui n’admet dans ses goussets que des billets de banque tout neufs.)

Quand Thomas de Quincey portait un manuscrit à l’imprimerie, il sortait une petite brosse de sa poche et il époussetait son papier avec soin. Les compositeurs ne se faisaient pas faute de salir ensuite copieusement le manuscrit, comme il arrive aux compositeurs de toutes les parties du monde et de tous les temps.

Mais de Quincey avait une manie autrement étonnante, c’est-à-dire celle du déménagement. Cela se voit souvent. Ce qu’il y avait de particulier dans le cas de Quincey, c’est que, prenant un nouveau logement, il ne se décidait pas à abandonner l’ancien. Il payait le loyer des deux. Bientôt, il eut, dans Édimbourg où il demeurait, toute une série de chambres dont il acquittait le loyer. Connaissant sa distraction, des propriétaires peu scrupuleux lui réclamaient du reste la location de pièces qu’il n’avait jamais occupées ou qui étaient louées à d’autres depuis longtemps. Il payait sans rechigner. Arrivant dans un nouveau logis, il ne tardait pas à l’encombrer de livres et de journaux. Quand tout était bien couvert, de sorte qu’il ne pouvait plus bouger sans en déplacer une pile, il s’en allait ailleurs, ordonnant de ne rien déranger.

Henri Heine, le grand poète prussien et si célèbre… à Paris, aimait à raconter cette anecdote : Une nuit qu’il subissait une crise terrible de la maladie qui le rongeait, sa femme, accourue près de lui, s’affolait. À travers ses sanglots, elle lui disait : « Non, Henri, tu ne feras pas cela ; tu ne mourras pas, tu auras pitié. J’ai déjà perdu mon perroquet