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de cosmopolitisme bâtard et malsain que le titre de Dekobra : La Madone des Sleepings.

Il est, — il était, — d’usage chez Maxim’s de ne pas donner de numéros au vestiaire. On y entendait des noms si illustres ! Le premier apprentissage des chasseurs ou des garçons consistait à reconnaître d’un coup d’œil le grand-duc Cyrille, Sa Majesté Léopold II, Mme Réjane, Liane de Lancy ou Mme de Promeneur. Chacune de ces personnes aurait été mortifiée qu’on ne la reconnût pas ; chacune se glorifiait auprès de ses amis d’appeler par son petit nom le chasseur de chez Maxim’s et de taper sur l’épaule du maître d’hôtel : c’est là, en effet, le summum de la célébrité, le fin du fin dans la haute noce. Du reste, les maîtres d’hôtel étaient des athlètes et parfaitement capables de sortir en vitesse de beaux et riches Argentins trop bruyants.

On avait une façon admirable, chez Maxim’s, de se débarrasser des fâcheux. Un client dont on ignorait le nom avait l’habitude de s’endormir sur sa table lorsqu’il avait bu plus que de raison. Un soir il s’endormit pour toujours. On lui crie : « Monsieur, on ferme ! » On constate qu’il est mort. Gérard, le chef des chasseurs (celui qui inspira Yves Mirande), le prend par un bras ; un de ses subordonnés s’empare de l’autre bras et tous deux portent le malheureux dans un fiacre en disant au cocher : « Faites faire le tour du lac à ce monsieur et après ramenez-le hôtel du Louvre ». À l’hôtel, le concierge aperçoit une face violacée. « Cocher, dit-il, d’où venez-vous ? » — « De chez Maxim’s. » — « Eh bien, retournez-y, vous promenez un mort. » Au restaurant, le cocher crie à Gérard : « Vous m’avez chargé un mort ! Venez voir dans ma voiture ». — « Cocher,