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L’apprenant, le père Damien se précipita au milieu de la réunion, en pleine nuit, seul et sans armes, parmi les demi-sauvages fanatisés. Il eut le dessus.

Depuis la venue des blancs, la lèpre se répandait dans Hawaï. Les lépreux devinrent si nombreux que le gouvernement hawaïen décida de les isoler dans une île bien à eux, Molokai, où ils seraient condamnés à vivre et à mourir. Les autorités avaient même conçu le plan d’en faire des colons, pour qu’ils cultivent la terre et se suffisent à eux-mêmes. Ainsi, ils ne coûteraient plus rien. C’était barbare, puisque ces malheureux, dont le corps tombait en putréfaction, ne pouvaient se livrer à des travaux de ce genre.

Se trouvant un jour à une réunion ecclésiastique, le père Damien entendit l’évêque raconter qu’il n’y avait plus de prêtre à Molokai depuis qu’une ordonnance du gouvernement avait décrété que quiconque mettait les pieds à Molokai n’en pourrait plus sortir. Le missionnaire qui s’y rendrait s’enter­rerait vivant, pour ainsi dire. De nombreux volon­taires s’offrirent immédiatement. L’évêque choisit Damien de Veuster. Un navire était en partance. À une heure d’avis, Damien s’embarquait, accom­pagné de l’évêque qui le laissa sur le rivage de Molokai.

Les nouveaux paroissiens du père Damien l’attendaient sur la rive. Il eut un mouvement de recul en les apercevant. L’évêque lui offrit de le ramener. Damien secoua énergiquement la tête, brusqua les adieux et s’élança parmi les lépreux. Les moins atteints étaient déjà défigurés. Oreilles enflées, nez déformés, joues violettes, c’était là les moindres horreurs. Aux autres, il manquait des