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mais ils refusent la bataille en rase campagne. Don Santiago Liniers se replie sur sa capitale, ayant conçu un plan hardi.

Quand les Anglais se présentent devant Buenos-Aires, aucune résistance ne les arrête. Sur plusieurs points à la fois, ils pénètrent et s’avancent dans la ville où règne un silence de mort. Arrivés au centre, sur la Plaza Major, ils entendent un coup de feu. Aussitôt, une énorme clameur s’élève de partout. De chaque fenêtre, de chaque ruelle, des rafales de mitraille déferlent sur l’envahisseur. La ville se met à cracher la mort. Les Anglais veulent résister, ils s’acharnent ; mais leurs cadavres s’amoncellent dans les rues. Ce qui en reste se replie et, le lendemain, Liniers impose ses conditions : les Anglais évacueront complètement avant deux mois le Rio de la Plata ; ils laisseront des otages comme marque de leurs bonnes intentions.

Débarquant en Angleterre, le commandant anglais des troupes d’assaut, Whitelock, passe en conseil de guerre, où il perd son emploi et est déclaré « totalement incapable de servir Sa Majesté en aucun poste militaire ».

Bien différent, le sort qui attend Liniers. Un long cri s’est élevé à Buenos-Aires et dans toutes les provinces : « El Reconquistador ! El Reconquistador ! » Le titre reste à Liniers jusqu’à sa mort. La légende s’est emparée de lui. Superstitieusement, on croit qu’il possède des attributs hors du naturel. Liniers est l’égal des Cortez, des Pizarre, des Almagro. La cour de Madrid le comble d’honneurs : il devient chef d’escadre, vice-roi, gouverneur et capitaine général de toutes les provinces du Rio de la Plata.