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Mme de la Ferté-Imbault réunissait chaque lundi à déjeuner, quelques hommes d’esprit, dont le baron de Grimm. Un beau lundi de 1771, le marquis de Croismare s’excusa, se disant malade. La marquise, dépitée, lui envoya des couplets impertinents qui finissaient par le refrain : Lanturelu, lanturelu, lanturelu ! Le malade répondit de même, se servant du même refrain ; la marquise répliqua ; tous les amis entrèrent dans le jeu et l’on s’envoya, d’hôtel à hôtel, des couplets sur le refrain de Lanturelu. Le succès en fut tel qu’on décida de commémorer ce tournoi, dès la convalescence de M. de Croismare, par la fondation d’un Ordre des Lanturelus dont Mme de la Ferté-Imbault devint la grande-maîtresse. Les plus grands seigneurs en faisaient partie ; les ducs de Nivernais, de Saxe-Gotha et de Rohan. La curiosité que soulevait l’Ordre s’étendait à toute l’Europe. Dès la première année de la fondation, le baron de Grimm, en voyage à la cour de Catherine II, devait renseigner à fond l’impératrice sur le fameux cénacle. Quelque temps après, le czarévitch, futur Paul Ier, de passage à Paris, sollicitait la permission de présenter ses respects à la reine des Lanturelus. En effet, Mme de la Ferté-Imbault avait reçu un nouveau titre : Sa Très Extravagante Majesté lanturelurienne, fondatrice de l’Ordre et autocrate de toutes les Folies.

Curieuse femme que cette Mme de la Ferté-Imbault. Si elle était capable des loufoqueries les plus étourdissantes, elle était connue de quelques intimes comme un esprit sérieux, nourri de la lecture des plus grands philosophes.

Cette dualité lui avait été imposée dès l’enfance