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BERNARD-ANSELME DE SAINT-CASTIN


— IV —


La chute de Port-Royal. — Saint-Castin se fit corsaire, à bord d’un bateau qui lui appartenait.

La « guerre de course » était, du reste, la suprême ressource de Subercase. Plusieurs flibustiers, attirés par lui en Acadie, désolaient le commerce anglais, faisaient vivre la colonie et fournissaient même la matière de présents aux sauvages. Pierre Morpain, Baptiste, Ricord Delacroix, Robineau, Vialet, Saint-Castin, d’autres encore, capturaient ou coulaient en 1709 trente-cinq navires anglais et faisaient 470 prisonniers 12.

À cet égard, l’histoire de Morpain mérite particulièrement de nous retenir. En 1706, il avait pris et amené à Port-Royal la frégate la Bonnitte chargée de 750 barils de farine, 25 tonneaux de beurre, sans compter d’autres articles fort utiles. Ainsi avait-il ravitaillé la garnison, à laquelle il restait alors à peine 30 tonneaux de farine. Subercase avait pu, en toute tranquillité d’esprit, repousser les attaques de March. Au retour des Anglais, le 20 août, Morpain avait participé aux combats. En 1709, parti des Antilles sur le Marquis de Choiseul appartenant au gouverneur de Saint-Domingue, il avait embarqué des pilotes en Acadie. Dix jours après, il rentrait à Port-Royal, ayant pris dix bateaux ennemis et en ayant coulé quatre autres. Attaqué par un garde-côtes, il s’en était emparé. Il amenait cent prisonniers et rapportait des vivres. Afin d’attacher à sa province un homme si précieux, Subercase l’avait marié à Marie d’Amours, belle-sœur de Bernard-Anselme de Saint-Castin, et avait demandé pour lui le brevet de lieutenant de frégate. Rentrant à Saint-Domingue, Morpain se vit reprocher par le gouverneur de cette île les vivres donnés à l’Acadie. Revenu dans ce dernier pays, en 1711, il collabora efficacement avec Saint-Castin 13.

Secouru par les flibustiers. Subercase reprit espoir. Il projetait de créer à La Hève un vaste port d’attache pour les navires de la flotte irrégulière qui, de là, auraient pu s’élancer à la chasse des bateaux anglais ou au secours de Port-Royal. Ne comprenant pas l’intérêt de ce projet, Versailles lui refusa toute aide et, pour commencer, une frégate qu’il réclamait. Les corsaires s’en allèrent vers des régions plus propices et Subercase, abandonné à son