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JOSEPH D’ABBADIE DE SAINT-CASTIN

Les commissaires, à la suite de l’interrogatoire, concluaient à l’illégalité de la détention, décision inspirée peut-être par la crainte salutaire des Abénaquis. Sous la direction du jeune d’Abbadie et suivant les conseils de Vaudreuil, les indigènes, bien résolus à libérer leur sachem, se disposaient en effet à capturer de nombreux prisonniers qu’ils auraient échangés ensuite contre Saint-Castin. Au reste, les Anglais avaient conçu le projet d’attacher à leurs intérêts ce jeune homme dont ils avaient constaté l’intelligence, l’habileté, l’éloquence, et dont Godfrey a écrit : « He was a very subtle fellow ». Ils le libéraient donc, au mois de mai 1722, après cinq mois d’internement, l’envoyant prêcher la paix dans les tribus. Toutefois ils n’eurent pas plus de succès à cet égard qu’ils n’en avaient eu avec son père ou son frère. Joseph se rendit d’abord à Québec où sa conduite fit scandale : on l’accusa de s’enivrer et de presser les filles de trop près. À quoi on reconnaît qu’il était plus abénaquis qu’officier français. Mais il y avait bien de la calomnie dans ces propos désobligeants.

Il rentrait bientôt à Pentagoët, car les Indiens avaient repris le sentier de la guerre.


Les Anglais tentaient encore de s’emparer de Rasles, dont ils avaient mis la tête au prix de 10 000 livres. Deux cents hommes parurent dans Narantsouak, mais ne trouvèrent pas le missionnaire. Avant de brûler sa maison, ils firent main basse sur ses biens, prenant entre autres choses son Dictionnaire de la langue abénaquise, actuellement conservé à l’université d’Harvard. Rasles s’était caché derrière un arbre, que frôlèrent les soldats en quittant la mission.

Les Pentagoëts attaquaient le fort de Merry-Meeting Bay, en juin 1722. Montés dans vingt canots, ils tombèrent en trombe sur l’établissement, dont tous les habitants furent tués. Ils se répandirent ensuite dans les campagnes, où ils reprirent leurs massacres comme aux beaux jours de Jean-Vincent de Saint-Castin. Affolé, le Conseil de Boston porta à 100 livres la prime accordée pour chaque scalp indien. Ce fut le début de la guerre appelée Lovewell’s War par les chroniqueurs de la Nouvelle-Angleterre, du nom d’un capitaine anglais qui obtint quelques succès au cours des opérations.