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LE BARON DE SAINT CASTIN

même temps, le père Lauverjat écrivait au gouverneur, de Panawamské 7 le 7 août 1727, que les chefs de la tribu l’avaient assuré de leur fidélité, ni les cadeaux des Anglais ni les traités ne pouvant les séparer de leurs frères français ni les éloigner de leur religion. La nécessité seule, à les en croire, les avait forcés à s’entendre avec les Anglais, malgré quoi ils se rangeraient du côté des Français dès la prochaine guerre. (Ce qui arriva effectivement, lors de la guerre de la succession d’Autriche, en 1714.) Le Jésuite joignait à sa lettre un mémoire portant la marque de tous les chefs de Pentagoët. Mais, soucieux d’éviter les ennuis inutiles, les sachems priaient Vaudreuil d’arrêter les incursions des Abénaquis de Saint-François et de Bécancour, jusqu’à la véritable reprise des hostilités 8.


— IV —


Joseph d’Abbadie et le père Lauverjat. — Les Saint-Castin demeuraient dans leur tribu, soit à Pentagoët au bord de la mer, soit à Panawamské aux chutes de la rivière. Ils y exerçaient une autorité qui venait parfois en conflit avec celle du missionnaire.

Ce fut l’origine de l’étrange lettre du père Lauverjat, en date du 8 juillet 1728, au père La Chasse. « L’insolence de MM. de Saint-Castin, disait-il, est devenue si grande qu’ils n’ont plus aucun respect ni pour Dieu ni pour moi. L’aîné refuse de se marier ». Pourtant (le bon père ne semblait pas s’en douter), Joseph d’Abbadie avait parfaitement le droit de se refuser les joies du mariage. Le missionnaire accusait en outre les deux Saint-Castin de se livrer au trafic public de l’eau-de-vie, de concert avec un jeune M. de Belle-Isle, leur neveu. Cette plainte rouvrait toute la vieille querelle du commerce des spiritueux avec les sauvages, jadis cause de violentes discordes entre le comte de Frontenac et M. de Québec. Les Saint-Castin favorisaient sans doute ces échanges, ou s’y livraient, pour les mêmes motifs que Frontenac. Puisque les Anglais fournissaient de l’alcool aux sauvages, les Français ne devaient-ils pas suivre cet exemple ? Cet argument avait une force particulière dans les tribus de la frontière.

Chef de la famille ainsi que de la tribu, Joseph d’Abbadie avait repris la politique de son père. Il mettait donc