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SAINT-CASTIN CHEZ LES SAUVAGES

Le ton découragé de ces phrases indique que le gouverneur ne conservait pas beaucoup d’espoir.

Chambly, prisonnier à Boston en 1674, revint pour un court séjour, deux ans après, juste le temps de recevoir la concession de Jemseck, bien qu’il fût confirmé dans son commandement. Encore y a-t-il lieu de penser qu’il ne sortit pas alors de Québec. Nommé gouverneur de la Martinique en 1677, il remit l’administration entre les mains de Joibert de Marson, qui n’eut pas le titre de gouverneur et qui d’ailleurs mourut l’année suivante. Versailles ne nommait pas de successeur à Chambly, la colonie restait sans tête dirigeante. Constatant cette carence, Frontenac, de sa propre autorité, chargea Le Neuf de La Vallière d’assurer l’intérim.

La commission remise à La Vallière précisait : « Elle n’est point enregistrée et ne donne point pouvoir de permettre la traicte ny la pesche aux Anglais », comme si le pauvre homme, sans troupe, pouvait imposer sa volonté aux gens qui venaient de vaincre totalement l’Acadie. Sous les gouverneurs précédents, les Anglais ne pêchaient ni ne négociaient sans permission « et sans être convenus de ce que chaque bastiment paveroit ». La Vallière recevait instructions de ne pas le permettre « jusques à ce que Sa Majesté ait fait sçavoir ses intentions ny qu’ils prennent aucun charbon de terre sans prendre les droits accoustumés ». Ses appointements étaient de 1 800 livres.

La Vallière était un Canadien, né aux Trois-Rivières Ayant épousé la fille de l’Acadien Nicholas Denys, il avait fondé l’établissement de Beaubassin sur la langue de terre qui unit les actuelles provinces du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Le nouveau gouverneur intérimaire avait à cœur de réussir dans sa mission. Mais les Acadiens, méfiants à juste titre, le reçurent assez mal.

« M. de La Vallière, écrivait Frontenac, m’a fait savoir qu’il avait été à Port-Royal, où les habitants avaient témoigné quelque peine de recevoir ses ordres, soit par l’accoutumance où ils étaient d’avoir été quelques années sans commandant, soit par les divisions qu’il y avait entre eux, soit enfin par quelque inclination anglaise et parlementaire, que leur inspirent la fréquentation et le commerce qu’ils ont avec ceux de Boston ».

Cette influence des Anglais sur les Acadiens s’exerçait au point, si l’on en croit Williamson (II, p. 23), que leur parler était à moitié anglais.