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LE BARON DE SAINT CASTIN

Champlain, à son tour, s’en allait à la recherche de Norembègue en 1605. Ce fut pour éprouver une cruelle déception, que ce réaliste ne chercha pas à cacher. La ville aux piliers de cristal tombait aux proportions beaucoup plus humbles d’un amas de wigwams parmi les grands fûts des arbres. À cause de sa déconvenue, sans doute, il peignit les Indiens de l’endroit sous des couleurs très sombres. Cependant, il y découvrit une vieille croix de bois 25. D’où venait ce symbole chrétien ? Peut-être marquait-il la sépulture d’un pêcheur.

Depuis des siècles, les marins bretons et basques connaissaient cette terre, que les Basques nommaient Baccalaos, nom qui englobait la Terre-Neuve actuelle. Il est même possible que Gosnold y ait vu, en 1602, des indigènes vêtus à l’européenne ainsi qu’il le raconta.

Avec Champlain, la région sortait de la fable pour entrer dans l’histoire. L’année où il la reconnaissait, Weymouth, cherchant le passage vers l’Ouest pour le compte de Charles 1er, y touchait aussi. Et puis, Hudson, en 1609. Le premier établissement y était fondé en 1613.

Les colonisateurs de Port-Royal, MM. de Monts et de Poutrincourt, éprouvaient des difficultés financières. Le premier vendit ses droits à la belle Antoinette de Pons, marquise de Guercheville, qui proposa un traité d’association à Poutrincourt, mais en exigeant une si forte part du gâteau que l’autre dût repousser l’offre. Elle tint bon et envoya des Jésuites à Port-Royal. Dès l’abord, la discorde régna. Épousant la rancœur de leur protectrice, les missionnaires traitaient de haut Biencourt, le fils de Poutrincourt, commandant à Port-Royal. Forts des écus de la dame, ils méprisaient la pauvreté de leurs rivaux. « C’est une grande folie à de petits compagnons, écrit le père Biard, que d’imaginer des baronnies et de grands fiefs, et tenements en ces terres, pour trois ou quatre mille écus qu’ils y auroient foncés ; folle vanité à des gens qui fuient la ruine de leurs maisons en France ». Si le jeune Biencourt était animé des meilleures intentions, bien que les Jésuites se fussent imposés à lui, ainsi qu’en témoigne le père Biard dans une lettre du 13 mars 1612, il ne pouvait tout de même tolérer les prétentions de ses hôtes, « qui alloient jusqu’à vouloir fonder une colonie », sur un territoire appartenant à Poutrincourt. Un récollet, le père Le Tac, blâme du reste le tour d’escamotage