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LE BARON DE SAINT-CASTIN

Perrot apportait à Port-Royal ses instincts chicaniers et ses talents d’homme d’affaires retors.

Saint-Castin s’en ressentit. Que se passa-t-il au juste entre les deux hommes ? Sans doute un conflit d’intérêts matériels, comme nous le verrons à propos des fameuses barriques de vin. Perrot et Saint-Castin furent aux prises dès l’abord.

Le baron se prêtait peu à certains marchandages. Aussi Perrot écrivit-il, sur son compte, un rapport défavorable. « Les peuples au lieu de s’appliquer à la culture des terres… ne songent qu’à commercer dans les bois et à mener une vie scandaleuse avec les sauvagesses… Pentagoët est le lieu qui sépare l’Acadie d’avec la Nouvelle-Angleterre. Il y avait un fort qui a esté pris et ruiné pendant les dernières guerres, il y a toujours demeuré un gentilhomme à une demie lieue en deçà avec des valets qui n’a défriché ny rien fait non plus que les autres, que de s’amuser à la traite des sauvages ».

On apprit de la sorte, en France, le sort de Saint-Castin. Ce document nuisit beaucoup à sa réputation. Menneval même, successeur de Perrot et chargé d’instituer une enquête sur son administration, accepta ces calomnies les yeux fermés.

Perrot, commerçant avant tout, s’appliquait à la ruine de son formidable concurrent, « mettant en œuvre pour arriver à ses fins son influence, personnelle ou officielle ».

En juillet 1687, Saint-Castin présentait sa défense dans une lettre fort énergique au gouverneur de la Nouvelle-France. Perrot, affirmait-il, négligeait les intérêts de la colonie. Le gouverneur pouvait se renseigner auprès de l’abbé Petit. (Petit, ami du baron, dut prendre son parti contre Perrot, puisque le commandant de l’Acadie l’accabla d’accusations : trahison envers la France, traite avec les sauvages, etc.) Saint-Castin se plaignait de traitements odieux. « Ce ne sont pas mes petites folies qui inquiètent M. Perrot, ajoutait-il. Il traite de l’eau-de-vie, même devant les étrangers. Il veut être seul marchand. Il ne m’accorde pas de congé pour l’Île Percée, de peur que j’aille à Québec ». Perrot interdisait même à son rival l’importation des meules de moulin, vendues seulement à Boston. Et pourtant, écrivait Saint-Castin, lui-même avait des relations secrètes avec les Anglais. Le ministre n’écrivait-il pas au gouverneur de l’Acadie, le 21 février 1699, que « si après tant de marques de faveur