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LE BARON DE SAINT-CASTIN


— II —


L’affaire des vins. — Saint-Castin était en relations d’affaires avec un Anglais de Boston, Nelson, qui joua toute sa vie un rôle ténébreux, analogue à celui de Latour en Acadie. Nelson était le neveu et l’héritier de Temple, gouverneur de Boston au temps de l’occupation anglaise, avant l’arrivée de Grandfontaine. Temple, qui avait acheté les biens de Latour, s’était cru lésé par la rétrocession de l’Acadie à la France et il n’avait jamais renoncé aux droits qu’il prétendait posséder sur Pentagoët. En 1671, Talon écrivait au ministre que Temple voulait passer en Nouvelle-France, amenant avec lui les familles françaises établies chez les Anglais (Archives du Canada, rapport de 1899, p. 37.) Nelson revendiquait les mêmes droits. Incapable d’en imposer la reconnaissance aux Français, il gardait du moins le contact avec ceux-ci, fidèle à la tactique de son oncle. Il projetait même de se faire naturaliser français pourvu qu’on lui restituât « ses biens ». La présence de Saint-Castin à Pentagoët lui laissait peu d’espoir, mais il était tenace et, en attendant mieux, commerçait avec l’usurpateur, n’éprouvant du reste aucun scrupule soit à trahir les Anglais auprès des Français soit à espionner les Français au profit des Anglais.

Au mois d’août 1686, le navire la Jeanne de Piscataqua, capitaine Philippe Syuret, parti de Malgue, délivrait à Saint-Castin dans le port de Pentagoët, conformément à ses connaissements, une cargaison composée surtout de vins et destinée à « Nelson, Watkins et consorts », se croyant, comme l’écrit Holmes, en territoire français.

Les agents du duc d’York à Pemquid, c’est-à-dire le juge Palmer et le nommé West, ne partageaient pas l’avis de Syuret. En conséquence, ils envoyèrent un navire à Pentagoët, sous le commandement du capitaine Thomas Sharpe, avec l’ordre de saisir le bâtiment et la cargaison de Syuret, sous prétexte que le débarquement avait eu lieu en territoire anglais sans la formalité de la douane, ce qui constituait un délit de contrebande.

Cette affaire, assez insignifiante en somme, allait avoir des conséquences d’une grande portée pour Saint-Castin, et, en définitive, orienter sa vie.