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Page:Daviault - Le mystère des Milles-Îles, 1927.djvu/30

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LE MYSTÈRE DES MILLE-ÎLES

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Problème troublant et qui deviendrait plus aigu avec le temps.

Enfin ! peut-être le dieu des aventuriers lui viendrait-il en aide !

Avec cet espoir fragile, il se leva et jeta sur ses épaules, en guise de robe de chambre, son paletot d’aviateur. Ainsi accoutré, le ventre vide, il se préparait à aller prendre un bain sur un point de la côte invisible du château.

Il ouvrit la porte de sa chambre et c’est alors qu’il eut la surprise qui le cloua sur place.

Là, dans le corridor, devant sa porte, un magnifique plateau d’argent ! Et, sur ce plateau, des fruits, du pain, des rôties dans un réceptacle dont le double fond contenait de l’eau chaude pour les maintenir à la température voulue, du café, du fromage, enfin, les éléments d’un repos fastueux aux yeux d’un homme qui, l’instant précédent, envisageait la perspective d’un jeûne des plus rigoureux.

Comment ce plateau avait-il été déposé en cet endroit ? Quand ? Par qui ?

Mystères ! Tout n’était que mystère dans cette île enchantée !

Mais que ces mystères étaient agréables ! Il fallait en profiter et attendre.

Hughes adopta cette doctrine philosophique qui convenait à son tempérament.

Il se mit donc en devoir de faire honneur au repas offert si opportunément et il mangea comme un misérable qui ne sait pas quand l’heure du prochain dîner sonnera.


— XI —


Il se rendit ensuite à la plage pour mettre à exécution son projet de prendre un bain, malgré le repas, et remettant à plus tard le soin de faire la lumière sur l’événement qui l’avait tant surpris.

Arrivé en haut de la descente qui dévalait jusqu’au bord de l’eau, il s’arrêta : une nouvelle surprise l’attendait, plus agréable même que la première.

Là-bas, dans l’eau, une forme rosée : c’était Renée qui, comme lui, avait eu l’idée de venir dissiper les brumes du réveil.

Mais Penée le vit et, confuse, elle lui cria :

— Ah ! vous n’avez pas honte ! Allez-vous-en bien vite !

Et, en même temps, elle plongeait de façon que seule sa tête sortit de l’eau.

— Comment aurais-je le courage de m’éloigner ? répondit Hughes. J’ai sous les yeux le tableau le plus merveilleux et je le quitterais !

— C’est abominable d’abuser ainsi d’une pauvre femme sans défense. Cachez-vous pour que je puisse sortir du bain.

— J’y consens, mais à une condition.

— Laquelle ?

— C’est que, après être sortie, vous ne vous éloignerez pas tout de suite.

— Entendu !

L’aviateur se dissimula derrière un arbre.

Une minute plus tard, il s’entendit interpeller et, sortant de sa cachette, il vit Renée, drapée dans une robe de chambre et debout sur la plage.

Il la rejoignit en courant.

— C’est ma bonne étoile, lui dit-il, qui m’a amené ici, ce matin. Sinon, il m’aurait fallu attendre à ce soir pour vous voir et je m’en sentais tout à fait incapable.

— Remerciez Neptune !

— Vous êtes la nymphe la plus exquise. Votre beauté est ensorceleuse.

— Ne dites pas cela. C’est très mal de m’avoir épiée.

— Puis-je ne pas vous aimer ?

— Qui sait ? Les hommes sont si bizarres !

— Mais devant vous, tous brûleraient. Je suis heureux que cette île soit déserte ! Aussi, suis-je assuré de n’avoir pas à craindre de rival.

— Qui vous dit que vous n’en avez pas ?

— En effet, vous n’avez pu vivre jusqu’ici sans avoir enchaîné un homme à vos pieds. Mais, ici, nous sommes seuls ; laissez-moi l’illusion d’être le premier… Tenez ! je m’imaginerai que nous sommes dans une île enchantée, dont vous êtes la fée.

— Une fée qui donne à boire et à manger !

— Ainsi, c’était vous ?

— Naturellement ! Vous ne l’aviez pas deviné ?

— Comment vous remercier ?

— Je vais continuer. Cher monsieur, faites-moi le plaisir de luncher avec moi.

— Vous êtes sérieuse ?

— Très sérieuse. Venez me rencontrer sur la petite terrasse, à midi… Et maintenant je me sauve, pour ne pas retarder votre bain.

Hughes essaya de la retenir. Mais elle s’échappa, en courant vers la maison. Et, dans l’enrôlement de la robe de chambre, le jeune homme put admirer deux jambes au galbe parfait.

Au comble de la joie, il se jeta à l’eau, pour dépenser par le mouvement l’exubérance que mettait en lui merveilleuse aventure.