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Page:Daviault - Le mystère des Milles-Îles, 1927.djvu/43

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LE MYSTÈRE DES MILLE-ÎLES

était d’ailleurs enchanté de hâter le départ d’un être qui pouvait devenir gênant.

Le travail avança assez bien, ce jour-là et, le lendemain matin, tout s’annonçait parfaitement.

Mais, vers midi, il se produisit un événement qui rendit Hughes soucieux.

Un yacht avait abordé à l’île. Il en était descendu un jeune homme, mis avec recherche, mais aussi avec une exagération et un mauvais goût qui annonçaient un être dépourvu d’éducation, vulgaire et grossier.

La figure était à l’avenant. On y lisait l’absence de scrupules, le vice, la brutalité, la crapule, pour tout dire.

C’était, évidemment, le type de l’aventurier louche, de ce genre d’hommes à la profession et à la résidence mal définies, sorte de financiers de la bohème interlope. Lorsque ces brasseurs de sales affaires n’ont pas atteint le grand succès, on les voit courir les foires avec des roues de fortune, les hôtels de commis-voyageurs avec un paquet de cartes ou les champs de courses. Plus entreprenants, ou ayant plus de relations, ils hantent les études d’avocats sans cause, la bourse ou les bureaux de courtiers pas très bien cotés. Le jeu les attire et tout ce qui permet de pêcher en eau trouble. Ils finissent en prison, ou bien, s’ils sont nés sous la bonne étoile, riches bourgeois, possédant automobile, bureau, femme et filles.

Hughes vit bien vite ce qu’était le nouveau venu.

Celui-ci eut une longue conférence avec le gardien de Renée. L’aviateur comprit que c’était le fils dont lui avait parlé la jeune femme et qui était le bras droit de Jarvis.

Il s’approcha de l’aéroplane et l’examina avec méfiance, mais sans adresser la parole à Hughes. Puis il s’éloigna et, bientôt, quitta l’île.

L’aviateur se rendit compte qu’un danger grave menaçait son projet. Plus clairvoyant que le père, le fils avait dû se renseigner et apprendre les relations de Renée et de l’homme-oiseau. Il en avait certainement conçu des soupçons et il ne manquerait pas de prévenir ses maîtres.

Hughes s’en entretint avec son amie, qui en témoigna une grande crainte.

— Ne doutez pas, dit-elle, que cet être infâme n’ait tout deviné. Il est parti pour prendre les moyens de faire avorter le projet. Qu’allons-nous devenir ?

— Ne vous inquiétez pas, répondit le jeune homme. Nous serons partis quand il reviendra. Je vais hâter les réparations et nous pourrons nous enfuir demain.


— II —


Hughes se remit au travail avec fièvre. En même temps, il tâchait de tirer des renseignements de son assistant. Mais celui-ci, à qui son fils avait évidemment fait la leçon, refusa de parler. L’aviateur y vit une raison de plus pour craindre les suites de la malencontreuse visite.

Quand la nuit vint, inquiet plus qu’il ne voulait le laisser paraître, il prit ses mesures pour éviter toute surprise.

D’abord, aidé du gnôme, il roula l’avion dans le hall d’entrée du château, dont il verrouilla la porte. Ne pouvait-il redouter en effet qu’on profitât des ténèbres pour causer des dégâts irréparables ? C’était peu probable ; mais il ne fallait négliger aucune précaution.

Puis il exigea que Renée se mette sous sa protection. Il ne voulait pas qu’elle passât la nuit dans un pavillon isolé, exposée à tous les coups de main.

Il choisit deux chambres du corps principal de logis qui donnaient du côté de l’eau et qui communiquaient entre elles. De cette façon, il pourrait entendre ce qui se passerait dans le petit port, seul point accessible de l’île et, par ailleurs, on ne pourrait pénétrer chez Renée sans qu’il en eût connaissance. Il avait, en effet, fermé à clé les portes des chambres s’ouvrant sur le couloir, et ouvert celle qui faisait communiquer les deux pièces.

Ayant pris ces dispositions, il se coucha, après avoir tendrement souhaité une bonne nuit à Renée.

Mais il dormit mal, l’esprit agité de toute sorte de pressentiments.

Au milieu de la nuit, il fut réveillé brusquement par un bruit assez fort et régulier.

En même temps, il entendit la voix apeurée de Renée qui l’appelait.

Il courut dans la chambre de cette dernière, qu’il trouva assise dans son lit. À la lueur d’une veilleuse, il remarqua ses traits défaits.

— Hughes, dit-elle, j’ai peur.

— De quoi donc ? répondit-il.

— N’entendez-vous pas ce bruit ?

— Oui, mais je ne vois pas…