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LE MYSTÈRE DES MILLE-ÎLES

— Vous savez bien que mon avion n’est pas prêt.

— Ça fait rien. J’veux pas être cause d’un malheur. Aussi j’vas vous conduire en yacht.

— Vous vous exposeriez à leur vengeance.

— Non, voyez-vous, ils veulent vous empêcher de leur nuire, pour garder la fortune. Mais, comme ils ont peur de la police, ils veulent pas commettre de crime inutile. À quoi ça leur servirait de me faire du mal ? se venger ? Ils sont bien trop peureux, pour risquer la prison seulement à cause de ça. Et puis, il y a mon fils : j’vous assure qu’il a encore des bons sentiments. Jamais il permettrait aux autres de faire du mal à son vieux père. J’risque donc seulement de perdre ma place. Tant pis ! J’veux pas gagner mon pain par un crime. Et puis vous m’en trouverez une autre…

Hughes était ému.

— Vous êtes un brave homme, dit-il. Mais, s’ils sont près d’ici, les suppôts de Jarvis nous verraient.

— Oui, mais, en plein jour, on pourrait plus facilement se sauver que la nuit… Pensez à Mme Renée !

Hughes hésitait. Le plan du bonhomme lui souriait. Mais il lui répugnait d’abandonner son avion. Non seulement il aurait ainsi perdu une somme assez considérable ; mais il aurait laissé des dépouilles entre les mains de l’ennemi ; cela aurait été une défaite partielle. Sa fierté se révoltait à cette pensée.

Mais il y avait Renée… Devait-il risquer sa liberté pour un point d’honneur ? Un combat se livrait dans sa conscience.

Il dit enfin :

— Avant de prendre une décision, je vais examiner de nouveau mon aéroplane. Peut-être, après tout, pourrais-je m’en servir.


— VII —


L’inspection révéla que l’avion était en parfait état. Cependant, comme la veille, Hughes s’aperçut que le mécanisme d’envol était faussé. Il essaya pendant une heure de le réparer, mais sans grand succès, semblait-il.

Que faire ? Rester et accepter le risque de passer une autre nuit sur l’île ? Ce serait un danger trop grand, car les envoyés de Jarvis ne continueraient pas à atermoyer. Alors, accepter la proposition du vieux gardien et abandonner l’avion ?

Hughes eut une idée soudaine.

— J’ai trouvé la solution, dit-il. Mon hydroplane ne peut s’envoler, mais, par ailleurs, il doit fonctionner à la perfection. Il est agencé de telle sorte qu’il peut voguer sur l’eau pendant plusieurs minutes. Alors, voici ce que nous allons faire : Nous allons mettre l’avion à l’eau, faire partir le moteur et glisser à la surface. Nous pourrons ainsi nous rendre à la terre ferme et aborder près des habitations, où nous serons en sûreté. L’hydroplane ne veut pas remplir sa fonction de véhicule de l’air ; eh bien, nous en ferons un bateau. Il vaudra toujours le yacht et même mieux, puisqu’il est plus rapide. Et, ainsi, je n’abandonnerai rien aux assaillants.

On décida de partir sans délai.

Renée recueillit ses objets les plus précieux et en fit un paquet qu’on ficela dans la carlingue.

Aidé du gardien, Hughes réussit à mettre l’avion à l’eau.

On prit quelque nourriture ; Hughes chargea les deux revolvers qu’il possédait et l’on s’installa sur les sièges.

Les jeunes gens firent leurs adieux au vieux couple qu’ils laissaient derrière eux, en leur promettant de ne pas les oublier et d’assurer bientôt leur sort.

Avant de partir, Hughes embrassa longuement sa compagne.

— Je suis heureux de quitter l’île, car, ainsi, je vous rends à la liberté, dit-il. Mais j’éprouve aussi quelque mélancolie, car j’ai connu ici le plus grand bonheur de ma vie, celui de vous rencontrer…

— Nous y reviendrons, Hughes, quand l’orage se sera apaisé, répondit Renée.

Le jeune homme regarda tout ce qui l’entourait. Mais il se secoua bientôt.

— Et, maintenant, s’écria-t-il, il s’agit de prendre nos dispositions. Le voyage d’ici à la terre ferme n’est pas long, d’autant plus que nous irons très vite. Mais il va nous falloir traverser une zone dangereuse. Quand nous quitterons la baie, les hommes de Jarvis, aux aguets, nous apercevront et nous donneront la chasse, ou bien tireront sur nous. Car il faut absolument passer près de leur île pour nous diriger vers les habitations. De l’autre côté, nous tomberions dans une forêt où les mécréants auraient beau jeu pour nous massacrer : nous ne devrons le salut qu’à la fuite parmi une agglomération humaine, où ils n’oseront pas nous suivre… D’un autre côté, je ne