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LAURIER ET SON TEMPS

fierté. C’est une erreur, car ceux qui le connaissent savent qu’il n’a aucun sentiment d’orgueil, que dans l’intimité il est modeste, doux, bienveillant, charmant. Il ne va pas à vous, mais si vous allez à lui, il vous accueille avec la plus cordiale affabilité.

Mais cet homme à l’esprit si vif, si actif, a toujours eu à son service un corps plus ou moins malade et indolent auquel il est obligé presque constamment de faire violence.

Cette indolence physique lui a souvent joué de mauvais tours, mais elle lui a souvent aussi rendu de grands services et il sait la vaincre, lorsque le devoir le lui commande, et alors il déploie une énergie et une activité d’autant plus méritoires qu’elles sont moins naturelles.

Et puis, c’est plutôt la modestie que l’orgueil qui est la cause de cette indifférence apparente ; il ne semble pas se rendre compte du plaisir et de l’honneur qu’un salut, une poignée de main ou une visite de sa part, font à nombre de gens, même haut placés.

Naturellement poli, courtois et bienveillant, il ne fait pas plus d’effort pour être aimable que pour montrer son talent, excepté lorsque c’est nécessaire.

Les traits principaux de son caractère et les mobiles de ses actions sont le sentiment du devoir, de l’honneur, de la justice, de l’amitié souvent, et le désir noble, l’ambition légitime de mériter la confiance et le respect de ses concitoyens et de laisser un beau nom dans l’Histoire.

Il a une patience inlassable, il se laisse torturer pendant des heures par des importuns, par les frelons qui entourent la ruche ministérielle, et il ne se plaint pas, il se contente de dire qu’il doit accepter les conséquences nécessaires de sa situation, les épines comme les fleurs.

Il aime les hommes et les juge indépendamment de leur religion et de leur nationalité. Il se défie des opinions formées à la hâte, des jugements téméraires, des préjugés nationaux et religieux.