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LAURIER ET SON TEMPS


Laurier intime


Généralement, les hommes perdent à être vus de trop près. Il n’y a pas de grand homme pour son valet de chambre, dit-on. L’intimité est souvent dangereuse, compromettante, elle trahit des secrets et révèle des défauts et des faiblesses qu’un homme habile sait dissimuler aux yeux du public. Pour Laurier, c’est différent, il gagne à être vu de près, à être connu intimement ; plus on connaît le fond de sa nature, plus on peut en admirer la richesse.

Il est grand dans la vie privée comme dans la vie publique.

À le voir chez lui, si doux, si modeste, si aimable pour tout le monde, si patient, si facile à approcher, on a de la peine à se croire en face de l’homme le plus puissant du pays. Il est bon, charitable, bienveillant, sans ostentation, sans démonstrations exagérées, avec réserve, mesure, délicatesse et dignité. Il est plein de charité pour les fautes et les défauts des autres, toujours prêt à pardonner, même à des gens qui ne le méritent pas. On se demande si, dans la vie publique, cette condescendance, doublée d’opportunisme, n’est pas quelquefois exagérée. Il n’y a pas de doute que, grâce à cette condescendance, il se laisse circonvenir assez facilement par ceux qui savent l’entourer et lui inspirer confiance, jusqu’au jour où le sentiment du devoir et l’intérêt public lui ouvrent les yeux et lui commandent