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LAURIER ET SON TEMPS

pourvu d’un esprit bien équilibré. Dans ses pires moments, il n’était bon qu’à interner dans un asile ; dans ses meilleurs moments, c’était un monomaniaque religieux et politique. Mais ce n’était pas un méchant homme, — je ne crois pas du moins qu’il fût le méchant homme pour lequel une certaine presse veut le faire passer. Il est vrai qu’à l’enquête un fait des plus dommageables a été mis à sa charge ; il est vrai qu’il avait offert d’accepter une somme d’argent du gouvernement. Mais, en justice pour sa mémoire, il importe que toutes les circonstances de cet incident soient mises devant la Chambre. Il est évident qu’en acceptant cet argent, sa raison troublée ne lui faisait pas voir que ce fût une trahison de la cause de ses compatriotes…

Quelques députés : — « Oui, oui.

M. Laurier : — « Certes, monsieur l’Orateur, je sais fort bien que les honorables députés qui m’interrompent en ce moment n’auraient pas compris les choses de cette manière : mais aussi, monsieur, je leur attribue des facultés mentales mieux équilibrées que celles de Louis Riel. Il est évident que, s’il a accepté cet argent, dans ses esprits confus, ce n’était pas dans l’intention de trahir ses compatriotes, mais plutôt de travailler pour eux d’une autre manière ; ne disait-il pas qu’il irait fonder avec cet argent un journal aux États-Unis et soulever les autres nationalités ?

Un député : — « Susciter une autre rébellion.

M. Laurier : — « Je concède que, si cette intention eût été exprimée par un homme en pleine possession de son intelligence comme mon honorable interrupteur doit l’être en ce moment, ce serait assez pour étouffer toutes nos sympathies à son égard, mais il y a une atténuation que nous ne pouvons raisonnablement pas mettre de côté : c’est qu’il est prouvé que, si Riel n’était pas totalement dénué de raison, au moins tout homme doit reconnaître que, sur la question politique, son cerveau était détraqué. Or, est-il juste d’appliquer les mêmes règles dans le cas d’un esprit faussé