Page:David - Laurier et son temps, 1905.djvu/8

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avec lesquels il se trouve intellectuellement sur un pied d’égalité. Cette carrière étonnante — qui semble tenir du roman si l’on se rend compte du chemin parcouru et semé de tant d’obstacles — présente une longue série d’efforts constants dirigés vers le même objet. Laurier ne fut jamais un de ces hommes qui, grisés par l’encens trop souvent brûlé autour d’une renommée naissante, s’endorment sur un premier succès. Hélas, combien n’avons-nous pas vu de ces heureux débutants qui ont pris les fleurs du talent pour des fruits et n’ont rien moissonné à l’automne de leur existence ! Personne n’est entré avec plus d’éclat dans l’arène de la lutte pour la vie. Les coups de clairon sonnés autour de son nom dans toute la presse, lorsqu’il prit la parole pour la première fois à la Chambre d’Assemblée de Québec (en 1871), ne l’étourdirent pas ; mais ils lui servirent d’encouragement. Désormais, le sort en est jeté pour lui ; une vocation irrésistible l’appelle ; les séductions de la vie publique le fascinent. Cette carrière, où les déceptions sont si fréquentes, le captive et le hante sans cesse. Ne le blâmons point, car l’ambition de gouverner son pays est la marque d’un esprit élevé.

La grande figure de sir Wilfrid Laurier apparaît en un puissant relief dans votre beau travail qui vous méritera, en tenant compte de votre œuvre passée, le titre de Plutarque canadien. C’est dans vos pages écrites sous l’empire d’une haute inspiration, qu’on voit notre compatriote sous les traits d’un homme d’Etat d’une envergure plus que coloniale. Jamais cette prééminence ne m’a autant frappé que lorsque je me trouvais, en même temps que sir Wilfrid (1902) en Europe, où partout, en Angleterre comme à Paris, en Belgique comme en Allemagne, son nom se pronon-