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abstention. Ses ennemis étaient déterminés à le faire payer pour ses faits et gestes de l’année précédente.

« On vit arriver successivement à Saint-Hyacinthe un fort détachement des King’s Dragoons, tout un bataillon des Gardes, et enfin six pièces d’artillerie ; comme s’il se fût agi d’une véritable campagne. Des enquêtes s’instituèrent sous la présidence du colonel Cathcart — depuis tué en Crimée — assisté de deux misérables Canadiens-français dont l’histoire ne doit pas même prononcer le nom ; et le pillage commença, ainsi que les arrestations.

« Un soir le notaire Henri Lappare arrive chez M. Pacaud, dans un état de surexcitation extraordinaire :

« — Sauvez-moi, dit-il ; Comeau me cherche ; et s’il me trouve, je suis perdu !

« — Calmez-vous, lui répond M. Pacaud ; personne ne soupçonnera qu’un rebelle ait l’audace d’en cacher un autre. Prenons notre temps, et délibérons.

« Il fallait faire disparaître le fugitif ; mais comment ?

“ La cachette de l’année précédente n’était plus un secret pour personne ; les rues étaient remplies de troupes ; et il y avait, malheureusement, un trop grand nombre de nos compatriotes en quête d’une occasion favorable pour donner des preuves de leur loyauté. Ce fut madame Pacaud qui vint résoudre la difficulté ; et, cinq minutes après, le notaire, rasé de frais, et affublé d’un costume féminin complet à la mode du temps, quittait la maison au bras de son hôte, galant cavalier comme toujours. M. Pacaud raconte lui-même cette aventure en termes plaisants :

« La transformation fut radicale, dit-il. Non-seulement mon compagnon eut l’extrême pudeur de rabattre son voile en mettant le pied sur la rue, mais encore — avec l’inconstance naturelle au sexe dont il avait revêtu les insignes — il me planta là au sortir du village, et, léger comme une véritable fille d’Ève, s’envola