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les patriotes

le cœur de tant d’infortunés qui redoutent le lever du soleil de demain, elle sera entendue même dans le ciel et sera inscrite à votre crédit dans le livre de vie.

« J’ai l’honneur d’être,
Mylady,
Votre très-humble et affligée servante,
Eugénie Saint-Germain,
Épouse de Joseph-Narcisse Cardinal. »


Cardinal était chrétien ; sa foi égalait l’amour qu’il portait à son pays, à sa famille. Il demanda à la religion la force que les martyrs de la foi et du patriotisme ont toujours puisée dans ses augustes sacrements pour mourir héroïquement sur les bûchers, les échafauds ou les champs de bataille. Il pria beaucoup, mais toujours plus occupé de ceux qu’il aimait que de lui-même, il pria pour eux, pour sa femme et ses enfants, pour son jeune ami Duquet, son compagnon d’héroïsme et d’infortune, auquel il voulut donner jusqu’au dernier moment l’exemple du courage et de la résignation.

Cardinal avait perdu l’espoir de voir, avant de mourir, sa femme et ses enfants, mais, la veille de son exécution, tard dans la soirée, on lui accorda la grâce qu’il sollicitait si ardemment.

Pauvre père, pauvre femme, pauvres enfants ! Quelle scène ! Cardinal, se tortura pour être fort, pour paraître résigné. Il n’osait parler pour ne pas succomber à l’émotion qui l’étreignait ; il était pâle comme la mort, il souffrait à suer du sang.

Et sa pauvre femme, comment décrire sa douleur ?

Quand l’heure fatale de la séparation sonna à l’horloge de la prison, quand ils se donnèrent dans un long sanglot le baiser de l’éternel adieu, ils étaient plus morts que vivants.