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entreprise, furent arrêtés et conduits à la prison de Montréal.

La vengeance des bureaucrates et des volontaires fut, comme nous l’avons dit, cruelle. Pendant qu’on jetait dans les cachots ces braves gens, victimes de leur patriotisme, on incendiait leurs demeures, on lançait sur les chemins publics leurs femmes, leurs mères et leurs enfants.

Mme Duquet, au désespoir, confiait ses trois petites filles à des parents et amis, et se rendait à Montréal pour voir son fils, être près de lui, le consoler, le sauver si c’était possible. Les barbares qui avaient brûlé sa maison et tout ce qu’elle possédait, lui avaient dit que son fils serait pendu dans quelques jours. On peut se faire une idée de la tristesse de la première entrevue qui eut lieu entre cette mère et ce fils qui s’aimaient tant.

Mme Duquet espéra jusqu’au dernier moment ; elle ne pouvait croire qu’on lui enlèverait son fils, son seul soutien, son espérance, son orgueil ; elle était convaincue qu’on aurait pitié d’elle, qu’on pardonnerait à un enfant de vingt ans de s’être laissé entraîner par des sentiments si nobles, si louables. Même quand il fut condamné, lorsqu’il n’avait plus que trois jours à vivre, elle refusa de croire à la terrible réalité ; faisant un effort sublime d’énergie, elle descendit à Québec, alla se jeter aux pieds de Colborne et lui demanda la grâce de son fils dans la lettre touchante qui suit ;


« À Son Excellence Sir John Colborne,

« Gouverneur-Général, etc.

« Qu’il plaise à Votre Excellence. La vieille mère d’un fils malheureux, que son âge tendre a entraîné au bord de l’abîme, se jette aux pieds de Votre Excellence,