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turément creusée. J’ai dit que depuis longtemps je suis préparé au sacrifice de ma vie ; oui, de ma part le sacrifice est volontairement fait ; mais il y en a un plus grand que je ne puis faire, et je crains de ne le pouvoir jamais, c’est d’avoir à abandonner une femme et des enfants que je chéris, que j’idolâtre et que j’estime mille fois plus que mon existence en ce monde. Comment puis-je volontairement renoncer à l’attachement qui me lie à eux ? c’est complètement impossible ! ! ! Hélas ! comment ma chère et bien-aimée Henriette va-t-elle recevoir le coup terrible qui l’attend ? Je souhaite, ma chère sœur, que vous essayiez tous les moyens de la consoler et de la porter à jeter le voile noir de l’oubli sur la mémoire d’un époux qui l’aimait si tendrement. Mais, Ô Dieu ! que dis-je ? Non, non, elle n’oubliera jamais son malheureux et tendre époux !  ! Non, non, elle gardera sacrée la mémoire de son compagnon bien-aimé. Mais que va-t-elle devenir, elle et mes chers petits enfants ? Quel sera leur sort ? Je vais les laisser sans fortune, sans protection ? Qui les soutiendra ? Ô Dieu ! ces pensées rendent mon agonie terrible. À qui puis-je recommander ces tendres objets de mon amour ? Ô mes compatriotes, je vous confie mes enfants. Je meurs pour la cause de mon pays, de votre pays ; ne souffrez donc pas que ceux que je suis obligé de quitter, souffrent de la pauvreté après ma mort ! C’est probablement ma chère sœur, la dernière fois que je pourrai vous écrire. Recevez donc, ma chère sœur, le dernier adieu de votre frère le plus affectionné et le plus infortuné. Mes tendres amitiés à tous mes amis. Soyez tous heureux — conservez votre courage. Quant à moi, je suis calme et plein de force. Adieu pour toujours !

« Votre tendre frère,
« Chevalier de Lorimier. »