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les patriotes

« À quand notre tour ? » Un grand nombre préférant la mort à cette effrayante incertitude, on étaient venus à envier le sort de ceux dont la sentence avait été exécutée.

Cependant l’opinion publique s’agitait en Angleterre, des protestations éloquentes s’étaient fait entendre dans le parlement anglais contre ces exécutions dont la légalité était fortement contestée. Le gouvernement anglais jugea à propos d’arrêter le bras de Colborne, d’interrompre son œuvre de répression et de vengeance. Dans le mois de juin, les condamnés apprirent que leurs sentences seraient probablement commuées et que la mort ferait place à l’exil. Des mois passèrent cependant encore avant que ces nouvelles fussent confirmées ; un été, un long été, s’écoula.

Enfin, le 25 septembre 1839, à trois heures de l’après-midi, cinquante-huit de ces infortunés prisonniers reçurent avis qu’ils étaient condamnés à l’exil pour la vie et qu’ils eussent à se préparer à partir, le lendemain matin. On n’avait pas voulu leur laisser le temps de voir leurs familles, leurs amis.

Ce n’était pas la mort, mais plusieurs l’auraient préférée.

L’idée de partir pour toujours sans avoir le temps de voir au moins tout ce qui les attachait à la vie, à la patrie, les écrasait. On avait voulu prévenir par cette précipitation indécente et cruelle, toute cause d’agitation. Il n’y avait pourtant pas de danger, la population était paralysée par la terreur.

La plupart des exilés passèrent leur dernière soirée à écrire des lettres d’adieu à leurs familles. Bien des larmes tombèrent sur ces lettres ; et celui qui aurait collé l’oreille aux portes des cellules, pendant la nuit du 25 au 26 septembre, eût entendu bien des soupirs.

Voici les noms des cinquante-huit exilés : F.-M. Lepailleur, Jean-Louis Thibert, Jean-Marie Thibert,