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moins parmi nous les ravages commis à Saint-Eustache. J’eus beaucoup de peine à leur persuader que ce serait un parti plus téméraire que sage d’entreprendre de défendre nos postes ; que la raison et l’humanité devaient nous engager à essayer d’éviter une ruine totale et l’effusion de sang ; qu’enfin, je ne voyais pas comment Sir John Colborne pourrait ordonner ou permettre de mettre le feu et de piller, ni même souffrir que l’on fît le moindre mal à une population qui ne lui offrirait aucune résistance. Combien je me trompais !

« La première personne que je vis en arrivant au village de Saint-Benoît fut Girod. Je lui adressai quelques reproches sanglants, et je lui conseillai d’éviter, non l’ennemi qu’il avait lâchement fui en sacrifiant nos braves, mais l’effet d’un juste ressentiment de la part de ceux qu’il avait ainsi exposés. Il fondit devant moi, et je ne le revis plus.

« Vous savez quelle a été sa fin malheureuse ; atteint par ceux qui le poursuivaient pour le faire prisonnier, il se fit sauter la cervelle d’un coup de pistolet pour éviter les suites d’une double vengeance.

« Tout était en confusion lorsque j’arrivai. Je trouvai ma maison remplie des principaux citoyens qui m’engagèrent à chercher sans délai mon salut dans la fuite. Je voulus que madame Girouard restât chez elle, lui faisant entendre qu’assurément l’invasion étant conduite par des officiers de haut rang qui avaient une réputation et un honneur à conserver, il ne lui serait point fait de mal, et que l’on respecterait chez moi les papiers publics dont j’étais le dépositaire. Elle n’y voulut point consentir, et force me fut de vider ma maison. Il fallut, en un instant, tout empaqueter. Je choisis comme lieu le plus sûr la vieille maison inhabitée de Richer, voisine de ma terre, à environ neuf arpents derrière le village. Là furent transportés mes