Se balançait, quand les écluses
Au loin ouvraient leurs vannes avec un bruit sourd,
Et se précipitaient par toutes leurs bouches.
Et d’un bord à l’autre bord,
Du gouvernail à la proue,
S’écroulaient les pommes d’or
D’Afrique, de Valence et des Baléares,
Que des hommes au torse de bronze
Déchargeaient dans des paniers tressés de sparte.
Droits sur leurs jambes hautes, et la tête à l’ombre
De leurs chapeaux de paille aux grandes ailes,
Ils vidaient leurs pesantes corbeilles,
Et de nouveau gravissaient la passerelle
Où s’égouttait la trace humide de leurs orteils,
Et gravement recommençaient.
Et toujours la barque semblait pleine,
Tant les beaux fruits d’écarlate et de chrome,
Innombrables et pressés, par tas s’amoncelaient
Et jamais ne diminuaient,
Par intervalles, il en roulait sur le quai,
Que des fillettes brunes, dans un pan de leur robe
Ainsi que des balles de pourpre.
Ramassaient et se disputaient à la course.
Et parfois, ne pouvant les contenir toutes,
Elles se baissaient pour les reprendre à terre,
Et, comme de petites Atalantes,
Se laissaient vaincre pour une orange.
Une dernière fois les hommes remontèrent
Et sur le cabestan enroulèrent les cables,
Et, l’escale étant finie,
Le bateau s’ébranla sur ses amarres,
Et, traîné par deux chevaux obstinés et tristes,
Qui faisaient un bruit monotone de sonnailles,
Il s’en alla vers le Midi.
Et nos cœurs démarraient avec la barque
Qui descendait le long des berges du canal,
Maison flottante au ras des prairies
Page:Davray-Rigal - Anthologie des poètes du Midi, 1908, éd2.djvu/28
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