Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/15

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— Mon ami, murmura la femme du capitaine Jean, vous me témoignerez plus tard une reconnaissance que je ne mérite pas encore. Où souffrez-vous ?

Il suivit sa pensée.

— Je savais bien que vous aviez du cœur, vous !…

Oubliant ses blessures, il tourna la tête pour regarder cette fois de plus près, en face, celle qui était à son chevet.

Une douleur aiguë lui arracha un cri.

— Vous souffrez beaucoup, n’est-ce pas ?

Avant qu’il ait répondu la porte s’ouvrit.

Mme Barbillon amenait un docteur, celui que le médecin de la veille avait recommandé.

Déjà au courant de tout par la concierge, il s’approcha du lit, fit débander la tête, observa les blessures, articula le bras, ausculta et jeta un coup d’œil dans la chambre.

Il regarda Mme d’Anicet, puis la concierge.

— Quelle est la personne qui le soigne ?

— Moi, monsieur.

— Vos fonctions vous permettent-elles d’être ici toutes les heures ?

— Parfaitement.

— Je vais rédiger une ordonnance. Vous en remplirez exactement, très exactement, les prescriptions.

— Oui, monsieur.

Sur une des feuilles laissées par Maurice Méen, il écrivit, puis se leva.

— Je reviendrai ce soir.

Malcie le suivit sur le palier, l’interrogea.

— Êtes-vous une parente, madame ?

— Non, une personne qui s’intéresse à lui.

— Les blessures ne sont pas dangereuses, mais je dois vous avouer que ce jeune homme est a un début de phtisie ; une phtisie qui, d’ailleurs pourrait être combattue. Ce sont les privations qui ont amené l’extrême faiblesse qui le domine. Grands soins, grands ménagements, si l’on veut obtenir un résultat.

— Pourrait-on le tirer de là ?

— Avec le temps, peut-être. Il faudrait des ressources qui ont l’air de manquer.

Malcie revint dans la chambre.

— Si vous pensiez n’être pas suffisamment libre, dit-elle à Mme Barbillon, vous me feriez plaisir en cherchant quelqu’un qui donnerait des soins à votre jeune locataire.

— Que nenni, madame ? Je n’abandonne-pas M. Roger comme ça… N’est-ce pas, M. Roger, c’est moi que vous voulez ? Pas d’autres.

— Il sourit.

— Toutes les heures, donnez-lui un peu de bouillon. Allez en prendre chez le boucher.

Hanté de son idée, le peintre les interrompit.

Il regardait Malcie.

— Je voudrais vous parler.

— C’est facile, acquiesça Mme Barbillon, je vous laisse et je reviendrai avec les médicaments et du bon bouillon.

Dès qu’ils furent seuls, Malcie s’interposa.

— Quoi que vous ayez à dire, fit-elle d’une voix douce, mais ferme, vous, ne le ferez pas aujourd’hui.

Il allait protester.

— Non, pas aujourd’hui. Vous-allez vous reposer. Il faut que vous guérissiez vite. Entendez-vous… Je le veux.

— Vous le voulez ?

— Je le veux, vous dis-je.

— Ne le regretterez-vous pas ?

— Par exemple ! Et je veux aussi que vous me promettiez de faire tout ce qui sera en votre pouvoir pour cela.

Attendri, il la regardait.

Sur sa route, une main de femme calmerait-elle donc toutes les blessures… toutes les douleurs !

Un doute encore jaillissait.

Si elle savait, parlerait-elle ainsi !…

Elle lui tendit la main.