Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/49

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rents, étrangers l’un à l’autre, et alors mes visites deviennent inutiles, équivoques. Elles doivent cesser.

…Ou bien la révélation du secret de votre naissance a fait vibrer en nous…

Elle s’arrêta pour achever, dans un souffle que nul autre que Roger ne put entendre :

…la voix du sang.

Écrasé d’une telle délicatesse, Roger balbutia :

— Je préférerais qu’il n’y ait pas, entre nous, de question d’argent.

— Et moi je ne souffrirai pas que le nécessaire vous manque. Le bien-être dont je suis entourée me deviendrait lourd.

Elle déposa de l’or sur la table et ajouta :

— Ma première satisfaction sera de savoir que vous ne vous privez pas.

— Je ferai en sorte de ne pas en avoir besoin.

— Je vous défends de vivre de privations. Le docteur a déclaré que des soins vous étaient nécessaires. Donnez-vous-les. Vos œuvres se ressentiront de votre santé. Pas de mièvrerie. De la vie. Comprenez-vous ?

Il sourit et murmura :

— À mon tour, maintenant, de penser à votre quiétude.

Ils se regardèrent et se comprirent.

Roger expliqua :

— Votre désir, n’est-ce pas, est que le secret qui nous uni reste entre vous et moi.

— Oui, tout pendant que je n’aurais pas préparé les voies.

…Je ne sais vraiment comment j’y arriverai.

— Peut-être au moment où nous nous y attendrons le moins.

…Mon père et mon mari, tous deux hommes d’honneur, ne doivent se douter de rien.

…Malgré les difficultés, ayons confiance.

— Est-ce que personne, chez vous, n’a idée de vos venues ici ?

— Personne. Il est nécessaire que ce soit ainsi.

— Je vous comprends. Aussi, vous pensez que mon plus vif désir est de ne pas être pour vous, un sujet d’inquiétude.

…Je vous aime de l’affection la plus tendre.

…Vous êtes pour moi l’ange qui montre le salut.

…Je vous dois tout.

…Mais, si vous croyez devoir vous abstenir ou tout au moins espacer vos visites, faites-le.

Un bruit léger, quelque chose comme un crépitement de bois qui travaille, se mêla à la voix chaude du peintre.

Ni lui, ni la jeune femme ne s’y arrêtèrent.

— Mon mari a en moi une confiance absolue, expliqua Malcie, mais, enfin, un rien pourrai attirer son attention et entraver une liberté à laquelle je tiens, par-dessus tout. Comme vous, j’ai tout approfondi.

…Entre nous, la prudence devient nécessaire. Dorénavant, je vous préviendrai par un mot quand je devrai m’absenter.

…Vous absentez-vous quelquefois ?

— Jamais. Je veux dire que je ne quitte jamais Paris.

— Je vous préviendrai toujours, la veille de ma visite. Si toutefois une circonstance imprévue, une affaire, vous empêchait d’être chez vous, n’écrivez pas pour un contre-ordre.

…Ne l’oubliez pas. N’écrivez jamais.

…Une course de plus pour moi, qu’importe ! Je reviendrai, voilà tout.

— D’avance, soyez certaine de ma présence, étant prévenu.

— Il y a des circonstances impossibles à prévoir.

Roger ne se possédait pas.

Une allégresse se dilatait.

— Comment voulez-vous que je n’arrive pas à être quelqu’un ? Croyez-vous que je repose toutes les nuits depuis que je vous connais ?

…Oh ! non, je vous vois devant moi.