Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/86

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La femme du capitaine Jean se courba. Elle fait un signe à Maurice.

Ils la soulèvent, la déposent sur le canapé, donnent de l’air.

— Elle n’est qu’évanouie, murmure Malcie. La présence d’un médecin serait prudente.

Maurice part comme une flèche.

Il ne revient pas seul.

Malcie assiste à la consultation.

— Ce n’est rien, déclara-t-il, ou plutôt, c’est toujours la même chose : jeu de nerfs.

…Je vais donner un conseil qui devra être exécuté demain.

Il faut, madame, que votre fille change d’air… Un mois, une quinzaine peuvent la remettre. C’est urgent.

— Où aller, docteur, où aller ?

Il regarde Berthe qui murmure :

— Ne m’envoyez pas loin.

De la main, il impose silence.

— Si vous voulez rester six mois dans le même état, mon enfant, vous n’avez qu’à ne pas changer de place et aller dans la banlieue. Si votre santé vous est chère au point de vous imposer pour elle un sacrifice, vous allez partir…

— Où ?

— En Auvergne.

Trois bouches protestèrent :

— En Auvergne ?

— Oui… au Lioran… à douze cents mètres d’altitude. Là, vous vivrez dans les champs, saturés d’air pur. Les sapins vous serviront d’ombrelle. La saison est propice. Profitez-en.

— En Auvergne ? répéta Berthe.

— J’ai précisé, au Lioran.

— Vous affirmez, docteur, que je pourrai revenir dans un mois.

— J’en suis sûr.

Encore, elle objecta :

— Cependant, à quelques heures de Paris, en Normandie, il y a de jolies plages où l’air est très bon. Ce ne serait pas loin, et, les dimanches…

Elle s’arrête.

Tous la comprennent.

— La mer ! Gardez-vous en, par exemple ! Ce serait néfaste. La brise marine !… Ah ! non !… De l’air pur, je vous dis, des effluves des montagnes !

Malcie prend la main de Berthe. Elle la regarde d’un air très significatif :

— Ma chérie, il faut être raisonnable. Tout dépend de vous, maintenant.

Les joues de Berthe se colorèrent légèrement.

La décision est prise.

— Eh bien, nous partirons demain, n’est-ce pas, maman ?

Les malles sont vite préparées. Dès le lendemain, Berthe et sa mère s’installent dans un compartiment pour douze heures de route.

Maurice et Roger sont sur le quai, ils promettent de faire le voyage dans quinze jours pour constater l’amélioration.

Bercée par cette pensée, les longues heures du voyage paraissent moins fatigantes à Berthe.

Elle songe à celui à qui elle a laissé tout son cœur. Quinze jours ! c’est court !

Elle dort une partie de la nuit. Son sommeil est doux, fait de jolis rêves.

Le train stoppe à Saint-Jacques.

C’est l’avant-dernière station.

Dans dix minutes Le Lioran.

Sur toute la longueur du train, les touristes se préparent, bouclent les courroies, ferment les valises. C’est la joie de l’arrivée. Le tunnel qui précède la station climatérique est proche.

L’air frais, humide pénètre brusquement dans les compartiments.

Mme Méen jette un châle sur les épaules de sa fille.

Un coup de sifflet aigu… un grondement sourd…

Le train est dans le souterrain.

Il avance dans les ténèbres.

Soudain, un mugissement horrible fait écho. Puis un choc qui bouscule ceux qui sont debouts… qui jette les autres contre les parois.