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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/254

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MÉMOIRES SECRETS

Dans ce pays, cher président,
Répands de nouvelles alarmes ;
Prends ce qui lui reste d’argent ;
Laisse-lui ses fers et ses larmes.

14. — Mademoiselle Grandi, danseuse en double de l’Opéra et figurante d’un talent médiocre et d’une figure très-ordinaire, se plaignait, il y a quelques jours, sur le théâtre de l’Opéra, d’avoir perdu un amoureux qui lui avait donné mille louis en cinq semaines. Un des spectateurs lui dit qu’elle était faite pour trouver aisément à remplacer cette perte. La demoiselle répond que cela ne se répare pas si facilement : elle ajoute qu’en tout cas elle ne veut d’amant qu’à la condition d’un carrosse et de deux bons chevaux, avec au moins cent louis de rentes assurées pour les entretenir. La conversation tombe. Le lendemain il arrive chez mademoiselle Grandi un magnifique carrosse, attelé de deux chevaux. Trois chevaux suivent en lesse, et l’on trouve cent trente mille livres en espèces dans le carrosse. On ne dit point encore le nom de ce magnifique personnage, bien digne d’être inscrit dans les fastes de Cythère. On assure que c’est un étranger, ce qui est injurieux pour la galanterie française.

— On ne tarit point sur les histoires de toute espèce auxquelles donne lieu l’arrivée de madame Denis dans ce pays-ci. Il passe pour constant aujourd’hui que M. de Voltaire est encore à Ferney, avec un secrétaire et le Père Adam, qu’il a recueilli lors du désastre de la Société, et duquel il disait plaisamment, en le présentant à la compagnie : « Messieurs, voilà le Père Adam. Il est inutile de vous avertir que ce n’est pas le premier homme du monde. » En effet, ce Jésuite est, dit-on, très-borné.