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DÉCEMBRE 1768

selle Guimard, la première danseuse de l’Opéra, très-renommée par l’élégance de son goût, par son luxe nouveau, et par les philosophes, les beaux esprits, les artistes, les gens à talons de toute espèce, qui composent sa cour et la rendent l’admiration du siècle. M. Marmontel n’a point craint de dégrader ses talons académiques et la hauteur de son âme, en adressant à cette courtisane une Épître si répandue il y a un an[1]. M. Collé semble avoir consacré son Théâtre de Société à être joué chez elle. M. de Carmontelle a fait un recueil de Proverbes dramatiques destinés au même effet. Ils ont été mis en musique par M. de La Borde, cet amateur, qui ne croit pouvoir mieux employer ses connaissances que pour l’amusement de la moderne Terpsichore. Les acteurs des différens spectacles se dérobent, quand ils le peuvent, à leurs occupations, et viennent jouer à sa maison de plaisance. Jeudi 7, fête de la Vierge, on a représenté la Partie de chasse de Henri IV, avec un proverbe des auteurs dont on vient de parler pour petite pièce. Le public brigue l’honneur d’être admis à ces spectacles, et c’est toujours un concours prodigieux. M. le maréchal prince de Soubise les honore souvent de sa présence, et ne contribue pas peu à soutenir cette dépense fastueuse. Mademoiselle Guimard y joue quelquefois, mais son organe sépulcral ne répond pas à ses autres talens. C’est une courtisane qui fera vraiment époque par son art dans le raffinement des voluptés et dans les orgies qui se célèbrent souvent chez elle, et dont on rapporte des choses merveilleuses.

17. — Les beaux esprits de ce pays-ci ont etc scandalisés de n’avoir pas été fêtés, autant qu’ils l’espéraient,

  1. V. 6 février 1768. — R.