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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/388

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MÉMOIRES SECRETS

long-temps, depuis le déluge jusqu’à nous, ce philosophe est enfin parvenu à la fondation de l’Académie Française, et son génie, comme exténué par les efforts et la gêne de tout ce long verbiage, n’a paru reprendre aucune activité pour les éloges qui ont terminé son discours. Il a fini comme il avait commencé : nul art, nulle transition, nulle éloquence. Les grammairiens ont remarqué beaucoup de fautes dans l’élocution du récipiendaire, et prétendent qu’il aurait dû lire le Traité de la prosodie de son prédécesseur avant de le remplacer.

M. l’abbé Batteux, directeur, a répondu. C’était un ami de M. l’abbé d’Olivet. Il s’est étendu avec complaisance sur cet Académicien, dont il a donné une espèce de Vie, que bien des gens ont trouvé longue, mais dont les détails ont paru précieux aux gens de lettres, et qu’en général on doit pardonner à l’amitié. D’ailleurs, M. Batteux a ouvert, en quelque sorte, par-là une route nouvelle. Et ne serait-ce pas la meilleure façon de faire l’histoire de l’Académie, que de prononcer à chaque réception l’éloge historique du mort ? Malheureusement le style flasque de l’orateur ne répondait point à la matière. Il est entré dans des anecdotes, peut-être trop familières pour un discours d’apparat, mais qu’il pouvait relever par la noblesse des expressions et par une tournure énergique. Il faut convenir que le directeur et le récipiendaire n’ont pas paru plus dignes l’un que l’autre de la place qu’ils occupaient, et que ces deux discours ne sont assurément pas les meilleurs prononcés dans l’Académie Française depuis son origine.

Pour occuper le reste de la séance, M. Watelet a lu sa traduction en vers du troisième chant de la Jérusalem délivrée, roulant sur les enchantemens de la forêt. On