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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/462

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MÉMOIRES SECRETS

dame, douce, d’un esprit naturel et très-capable de goûter un encens plus pur et plus délicat que celui du chevalier de La Morlière.

M. Léonard, jeune auteur qui manie avec autant d’adresse le crayon que la plume, vient de faire le portrait de M. l’abbé de Voisenon en manière noire, d’une touche très-vraie et très-ressemblante. Il y a joint les vers suivans :


J’ai tracé le portrait de cet aimable auteur,
Qui nous donne en riant les leçons les plus sages :
Qui nQue n’ai-je pu peindre son cœur,
Qui nComme il est peint dans ses ouvrages !


27. — M. de Voltaire, cet astre du monde littéraire, qui, depuis sa brillante aurore, ne cesse de l’éclairer, semble, aux derniers momens de son couchant, redoubler, sinon de chaleur et de lumière, au moins d’activité et d’abondance. Il paraît un petit nouveau roman allégorique qu’on lui attribue ; il a pour titre Lettres d’Amabed, traduites par l’abbé Tamponet. Il est certain que personne n’oserait lui en contester la propriété ; car c’est une répétition fastidieuse de mille choses qu’on trouve dans vingt ouvrages du même genre de cet auteur. Le cadre n’est pas plus neuf ; il est question de deux jeunes Indiens mariés, qu’on traite d’apostats, qu’on met en conséquence aux prisons de l’inquisition à Goa, et qu’on amène à Rome pour être jugés. Très-peu d’idées, quelques images, une ombre de sentiment, et beaucoup de mots, forment tout l’assemblage de ce misérable pamphlet. Mais le mystère avec lequel l’auteur glisse ces feuilles furtives, l’attention de ses partisans de les annoncer d’avance à l’oreille, et la célébrité du nom imposant du philosophe