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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/65

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août 1766

tendus, n’entend en rien la marche des passions, et ne sait pas fouiller dans les replis du cœur.

21. — Voici des détails plus exacts sur la rixe dont on a parlé. La course d’un cheval de M. de Lauraguais, monté d’un postillon, avait occasioné plusieurs paris. Par un malentendu entre M. le marquis de Villette et M. le comte de Lauraguais, ce dernier a prétendu avoir gagné un tableau de prix au nouveau marquis[1], qui s’en est défendu. M. de Lauraguais, piqué de la négative, a écrit à M. de Villette une lettre qui n’était pas faite pour flatter son amour-propre. Blessé de l’epître, il y a répondu par des épigrammes, et s’est rendu chez mademoiselle Arnould, pour y rejoindre, soi-disant, M. de Lauraguais. Mais, comme cette histoire avait déjà fait bruit, a peine y était-il que, suivant de près, des gardes des Maréchaux de France se sont attachés à leurs personnes. Comme l’un et l’autre ont réellement beaucoup d’esprit, ils en ont fait usage pour s’expliquer plus de sang-froid, et se sont conciliés de façon qu’ils sont devenus les meilleurs amis, ne se quittant presque plus, à la promenade, aux spectacles, etc. M. de Villette a acquitté le pari ; en revanche M. de Lauraguais lui a fait présent d’une jolie voiture. Tout cela allait le mieux du monde ; malheureusement il a fallu comparaître au tribunal de MM. les Maréchaux de France, sur le fond de l’affaire. Ce respectable aréopage, après les avoir ouïs et pris connaissance de beaucoup de dé-

  1. Le père de Villette avait acheté, peu de temps avant sa mort, le titre de marquis. La bravoure du fils lui attira l’épigramme suivante :

    Villette a tout interverti,
    Soit qu’il se batte ou qu’il caresse,
    Il ne voit point son ennemi,
    Et n’est pas vu de sa maîtresse. — R.