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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/176

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MEMOIRES SECRETS.

mencement du jour du 1er juin, de ce que son mois n’arrivait pas. Il est de deux mille écus, destinés à ses menus plaisirs. On ne pouvait deviner le sujet de cette impatience. On l’a découvert enfin par l’usage qu’il a fait de son argent. Il a envoyé la somme entière à M. le lieutenant-général de police, avec la lettre suivante :

« J’ai appris le malheur arrivé à Paris à mon occasion, j’en suis pénétré. On m’apporte ce que le roi m’envoie tous les mois pour mes menus plaisirs ; je ne peux disposer que de cela, je vous l’envoie : secourez les plus malheureux. J’ai, Monsieur, beaucoup d’estime pour vous. (Signé) Louis-auguste.

À Versailles, le 1er juin 1770. »

Madame la Dauphine a aussi envoyé sa bourse à M. de Sartine. Mesdames en ont fait autant. Les princes de sang ont suivi cet exemple respectable, et des particuliers l’ont imité. Il en est qui n’ont pas même voulu qu’on sût d’où venaient les secours qu’ils envoyaient. Les fermiers-généraux ont donné cinq mille livres.

5. — Le sieur Boucher, premier peintre du roi, vient de mourir. Depuis qu’il occupait ce poste distingué, sa réputation avait diminué et il n’avait rien fait qui fût digne de sa place. Le seul morceau qu’il avait exposé dernier salon, était plus que médiocre. En général, cet artiste a joui d’une réputation précoce, et portée beaucoup au-delà de ce qu’il méritait. Il avait un pinceau facile, agréable, spirituel, et peut-être trop fin pour les détails champêtres auxquels il s’était consacré. Toutes ses bergères ressemblaient à celles de Fontenelle, et avaient plus de coquetterie que de naturel. Son genre n’était pas proportionné à son rang : c’est comme si l’on donnait le sceptre de la littérature à un faiseur d’idylles ou d’églogues.