Page:De Banville - Les Stalactites.djvu/58

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Non beaux comme autrefois d’une beauté sévère,
Mais semblables aux Dieux qui boivent à plein verre
Le feu que le Titan pour nous a dérobé,
Et qui puisent le vin dans la coupe d’Hébé.

La Naïade aux yeux bleus, qui pleure goutte à goutte,
Noie au fond de leur cœur la tristesse et le doute,
Et, tournant leur esprit vers les biens éternels,
Leur montre l’Idéal dans les plaisirs charnels.

Voyez-les, souriants, fiers de leur belle taille,
Dans ces riches habits de fête et de bataille
Qui relèvent la mine, et qu’aux siècles anciens
Peignaient avec amour les grands Vénitiens.

Les couples sont épars : de jeunes femmes rousses
Dont les yeux rallumés sont pleins de clartés douces,
Avec leurs amoureux assis sur le gazon
Effeuillent les bouquets de leur jeune saison.

L’une parle à mi-voix, et, comme en un méandre,
Erre par les sentiers de la carte du Tendre ;
Celle-là, fière enfin de vivre et de se voir,
Tantôt joue, et ternit l’acier de son miroir.

Tandis qu’à ses genoux son compagnon étale,
Jeune et fort comme un dieu, la grâce orientale,
Une verse du vin dans le verre incrusté
D’un jeune cavalier debout à son côté.