Page:De Banville - Odes Funambulesques.djvu/327

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Je n’ai pas besoin d’indiquer au lecteur tout ce qu’il y a d’exagération, de parti pris et d’injustice dans cette satire contre l’Opéra. Jeune homme, je croyais avec tous les romantiques de mon temps que le genre dramatique appelé Opéra a tué et tuera encore chez nous la tragédie, le drame historique et tout ce qui a été le grand art et la poésie au théâtre. Je le crois encore aujourd’hui ; mais, fût-ce pour l’amour de Corneille et de Shakspere, je ne veux plus affliger personne, et je me suis appris la résignation. Il est très vrai qu’à l’époque où j’ai écrit cette satire, les décorations, les chœurs et même la troupe de l’Opéra étaient dans un état assez piteux. Néanmoins j’en parlais avec passion, comme un poëte admirateur de Quinault et de Gluck, jusqu’au point de ne pas pouvoir tolérer la poésie lyrique de M. Scribe.

C’est en cela surtout que j’avais tort ; car, livrés aux exigences des musiciens modernes, tous les poëtes font les vers aussi mal les uns que les autres, et entre un savetier et Pindare, une fois qu’ils sont pris dans cette tenaille, il n’y a aucune différence.