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ODES FVNAMBVLESQUES.


Les Naïades sans yeux regardent le grand arbre
Pousser de longs rameaux qui blessent leurs beaux seins,
Et, sur ces seins meurtris croisant leurs bras de marbre,
Augmentent d’un ruisseau les larmes des bassins.

Aujourd’hui les wagons, dans ces steppes fleuries,
Devancent l’hirondelle en prenant leur essor,
Et coupent dans leur vol ces suaves prairies,
Sur un ruban de fer qui borde un chemin d’or.

Ailleurs, c’est le palais d’Italie et de Grèce
Où s’éveillent les dieux couronnés de lotus,
Pour lequel Titien a donné sa maîtresse,
Où Phidias a mis les siennes, ses Vénus !

Et maintenant, voici la coupole féerique
Où, près des flots d’argent, sous les lauriers en fleurs,
Le grand Orphée apporte à la Grèce lyrique
La lyre que Sappho baignera dans les pleurs.

Ô ville où le flambeau de l’univers s’allume !
Aurore dont l’œil bleu, rempli d’illusions,
Tourné vers l’Orient, voit passer dans sa brume
Des foyers de splendeur étoilés de rayons !