Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/117

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avant que la nouvelle de l’expulsion de la Société pût y parvenir. Par ce moyen il remplissait deux vues, l’une de se procurer des otages qui l’assureraient de la fidélité des peuplades lorsqu’il en retirerait les jésuites ; l’autre, de gagner l’affection des principaux Indiens par les bons traitements qu’on leur prodiguerait à Buenos Aires et d’avoir le temps de les instruire du nouvel état dans lequel ils entreraient lorsque, n’étant plus tenus par la lisière, ils jouiraient des mêmes priviléges et de la même propriété que les autres sujets du roi.

Tout avait été concerté avec le plus profond secret et, quoiqu’on eût été surpris de voir arriver un bâtiment d’Espagne sans autres lettres que celles adressées au général, on était fort éloigné d’en soupçonner la cause.

Le moment de l’exécution générale était combiné pour le jour où tous les courriers auraient eu le temps de se rendre à leur destination et le gouverneur attendait cet instant avec impatience, lorsque l’arrivée des deux chambekins du roi, l’Andatu et l’Aventurero, venant de Cadix, faillit à rompre toutes ses mesures. Il avait ordonné au gouverneur de Montevideo, au cas qu’il arrivât quelques bâtiments d’Europe, de ne pas laisser communiquer avec qui que ce fut, avant que de l’en avoir informé ; mais l’un de ces deux chambekins s’étant perdu, comme nous l’avons dit, en entrant dans la rivière, il fallait bien en sauver l’équipage et lui donner les secours que sa situation exigeait. Les deux chambekins étaient sortis d’Espagne depuis que les jésuites y avaient été arrêtés : ainsi on ne pouvait empêcher que cette nouvelle ne se répandît.

Un officier de ces bâtiments fut sur-le-champ envoyé au marquis de Bucarelli et