Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/140

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doute ceux que L’Étoile vit au mois de juin 1766 dans la baie Boucault, et le pavillon qu’ils élevaient était celui qui leur fut donné par M. Denys de Saint-Simon en signe d’alliance. Le soin qu’ils ont pris de le conserver annonce des hommes doux, fidèles à leur parole ou du moins reconnaissants des présents qu’on leur a faits.

Nous aperçûmes aussi fort distinctement, lorsque nous fûmes dans le goulet, une vingtaine d’hommes sur la Terre de Feu. Ils étaient couverts de peaux et couraient à toutes jambes le long de la côte en suivant notre route. Ils paraissaient même de temps en temps nous faire des signes avec la main, comme s’ils eussent désiré que nous allassions à eux. Selon le rapport des Espagnols, la nation qui habite cette partie des Terres de Feu n’a rien des mœurs cruelles de la plupart des sauvages. Ils accueillirent avec beaucoup d’humanité l’équipage du vaisseau la Conception qui se perdit sur leurs côtes en 1765. Ils lui aidèrent même à sauver une partie des marchandises de la cargaison et à élever des hangars pour les mettre à l’abri. Les Espagnols y construisirent des débris de leurs navires une barque dans laquelle ils se sont rendus à Buenos Aires. C’est à ces Indiens que le chambekin l’Andalous se disposait à mener des missionnaires lorsque nous sommes sortis de la rivière de la Plata. Au reste, des pains de cire provenant de la cargaison de ce navire ont été portés par les courants jusque sur la côte des Malouines, où on les trouva en 1766.

On a vu qu’à midi nous étions sortis du premier goulet : pour lors nous fîmes de la voile. Le vent s’était rangé au sud, et la marée continuait à nous élever dans l’ouest. A trois heures l’un et l’autre nous manquèrent, et nous mouillâmes dans la baie Boucault sur dix-huit brasses fond de vase.