Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/27

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très sensibles, que j’ai remarquées dans les diverses contrées où j’ai abordé, ne m’auraient pas empêché de me livrer à cet esprit de système, si commun aujourd’hui, et cependant si peu compatible avec la vraie philosophie, comment aurais-je pu espérer que ma chimère, quelque vraisemblance que je susse lui donner, pût jamais faire fortune ? Je suis voyageur et marin, c’est-à-dire un menteur et un imbécile aux yeux de cette classe d’écrivains paresseux et superbes qui, dans l’ombre de leur cabinet, philosophent à perte de vue sur le monde et ses habitants, et soumettent impérieusement la nature à leurs imaginations. Procédé bien singulier, bien inconcevable de la part des gens qui, n’ayant rien observé par eux-mêmes, n’écrivent, ne dogmatisent que d’après des observations empruntées de ces mêmes voyageurs auxquels ils refusent la faculté de voir et de penser. Je finirai ce discours en rendant justice au courage, au zèle, à la patience invincible des officiers et équipages de mes deux vaisseaux. Il