Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/41

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est une ville nouvellement bâtie, peuplée entièrement de Portugais déserteurs et nommée Pueblo Nuevo.

Le 31, à onze heures du matin, nous mouillâmes dans la baie de Montevideo, par quatre brasses d’eau, fond de vase molle et noire. Nous avions passé la nuit du 30 au 31, mouillés sur une ancre, par neuf brasses même fond, à quatre ou cinq lieues dans l’est de l’île de Flores. Les deux frégates espagnoles destinées à prendre possession des îles Malouines étaient dans cette rade depuis un mois. Leur commandant, don Philippe Ruis Puente, capitaine de vaisseau, était nommé gouverneur de ces îles. Nous nous rendîmes ensemble à Buenos Aires afin d’y concerter avec le gouverneur général don Francisco Bucarelli les mesures nécessaires pour la cession de l’établissement que je devais livrer aux Espagnols. Nous n’y séjournâmes pas longtemps et je fus de retour à Montevideo le 16 février.

Nous avions fait le voyage de Buenos Aires, M. le prince de Nassau et moi, en remontant la rivière dans une goélette ; mais comme pour revenir de même, nous aurions eu le vent debout, nous passâmes la rivière vis-à-vis de Buenos Aires, au-dessus de la colonie du Saint-Sacrement, et fîmes par terre le reste de la route jusqu’à Montevideo où nous avions laissé la frégate. Nous traversâmes ces plaines immenses dans lesquelles on se conduit par le coup d’œil, dirigeant son chemin de manière à ne pas manquer les gués des rivières, chassant devant soi trente ou quarante chevaux, parmi lesquels il faut prendre avec un lacs son relais lorsque celui qu’on monte est fatigué, se nourrissant de viande presque crue, et passant les nuits dans des cabanes faites de cuir, où le sommeil est à chaque instant interrompu par les hurlements des tigres qui rôdent aux environs.

Je n’oublierai de ma vie la façon dont nous passâmes la rivière de Sainte-Lucie, rivière fort profonde, très rapide